Le procès de Charles Onana, écrivain et polémiste franco-camerounais, s’est tenu à Paris du 7 au 11 octobre dernier. Accusé de négationnisme du génocide des Tutsis au Rwanda, l’auteur a dû répondre devant la justice de propos publiés dans son ouvrage de 2019, “Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise”. Plusieurs associations, dont Survie, la Ligue des droits de l’homme (LDH) et la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), ont déposé plainte, reprochant à l’auteur d’avoir enfreint l’article 24 bis de la loi sur la liberté de la presse, qui interdit la négation des crimes de génocide.
Les accusations reposent sur une vingtaine de passages du livre, où Charles Onana qualifie notamment de “l’une des plus grandes escroqueries du XXe siècle” l’idée que le régime hutu avait planifié un génocide au Rwanda. Ces propos visent à semer le doute sur la réalité historique, à nier la planification du génocide et à renverser la responsabilité des massacres. L’auteur va jusqu’à exonérer le gouvernement hutu de l’époque, malgré les preuves accumulées par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et d’autres instances internationales, qui ont établi sans équivoque la nature planifiée et raciste du génocide contre les Tutsis.
Le génocide des Tutsis a eu lieu entre avril et juillet 1994, sous l’égide du Gouvernement intérimaire rwandais (GIR), dominé par l’idéologie du “hutu power”, qui voyait les Tutsis comme une menace absolue. L’implication du gouvernement dans l’organisation et la perpétration des massacres a été reconnue, notamment par Jean Kambanda, Premier ministre du GIR, qui a admis sa culpabilité devant le TPIR et purge une peine à perpétuité. Malgré ces faits établis, Charles Onana persiste à remettre en cause la responsabilité du GIR, perpétuant une rhétorique négationniste qui dédouane les coupables.
Ce procès pourrait marquer un tournant décisif dans la lutte contre le négationnisme. Si Onana est condamné, cela pourrait sensibiliser davantage l’opinion publique française au lien entre le négationnisme du génocide et le racisme. Au-delà du cas Onana, il s’agit de reconnaître la douleur des victimes, de respecter la mémoire des événements tragiques qui se sont déroulés au Rwanda, et de condamner fermement toute forme de révisionnisme historique. Une condamnation aurait aussi pour effet de rappeler que la liberté d’expression ne doit jamais être utilisée pour légitimer la haine ou pour nier des crimes contre l’humanité.
Les discours de Charles Onana sont enracinés dans la même idéologie que celle des extrémistes qui ont préparé le génocide. Tout au long du procès, des experts ont mis en lumière la proximité des écrits d’Onana avec ceux de Théoneste Bagosora, l’un des architectes du génocide, et d’autres acteurs extrémistes. L’utilisation de guillemets autour du mot “génocide”, le rejet de la planification de ce dernier, et l’accusation portée contre le Front patriotique rwandais (FPR) rappellent les théories qui ont justifié la haine et l’extermination des Tutsis.
Le procès de Charles Onana n’est pas une remise en cause de la liberté d’expression. Il s’agit plutôt de savoir si cette liberté peut servir à légitimer la haine et la négation d’un génocide. En niant la réalité du génocide des Tutsis, l’auteur ne fait pas seulement du mal à la mémoire des morts, mais il nourrit également des idéologies dangereuses qui menacent encore aujourd’hui la stabilité et la sécurité des survivants et des communautés de la région des Grands Lacs.