Depuis plusieurs jours, la crise dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) inquiète, mais le silence de l’Union africaine (UA) est frappant. La dernière déclaration officielle remonte au 25 janvier, lorsqu’un communiqué signé par Moussa Faki Mahamat appelait à une cessation immédiate des hostilités, sans pour autant mentionner le rôle du M23 ni celui de l’armée rwandaise. Une omission qui suscite incompréhensions et critiques parmi les observateurs.
Pour de nombreux analystes, cette attitude s’inscrit dans une logique d’attentisme et de prudence de la part des États africains. Jean-René Meva’a Amougou, journaliste camerounais spécialiste des relations continentales, souligne que ces pays préfèrent se réfugier derrière le principe de non-ingérence, observant l’évolution des rapports de force avant de prendre position. La crainte de compromettre des relations bilatérales, notamment avec des nations influentes comme le Rwanda et l’Ouganda, freine toute prise de parole officielle.
Le Rwanda, acteur central du conflit selon plusieurs experts, exerce une influence majeure sur la diplomatie africaine. Paul Kagame, président du Rwanda, a non seulement présidé l’Union africaine de 2018 à 2019, mais il a également dirigé la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) entre 2019 et 2021. Selon Richard Moncrieff, directeur Afrique Centrale d’International Crisis Group, la diplomatie rwandaise a réussi à imposer sa lecture des événements, semant ainsi la confusion parmi les décideurs africains et internationaux.
Cependant, les dynamiques sur le terrain semblent redistribuer les cartes. Pour Moncrieff, « le message de Kigali adressé à Kinshasa est clair : rien ne peut se décider à Goma sans l’accord du Rwanda. » Cette position met en lumière les défis que devra surmonter la RDC pour rétablir son autorité dans une région en proie à des conflits depuis plusieurs décennies.
Demain, un sommet extraordinaire de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), convoqué par le président kényan William Ruto, pourrait offrir une chance de désescalade. Ruto a annoncé la présence des présidents Paul Kagame et Félix Tshisekedi, une rencontre cruciale pour envisager des solutions diplomatiques. L’initiative intervient dans un contexte où la pression internationale s’accentue pour une résolution rapide du conflit.
Si le sommet constitue une lueur d’espoir, il met également en évidence les limites d’une réponse continentale face aux crises sécuritaires. Le poids des intérêts nationaux, la crainte de froisser des alliances stratégiques et l’absence d’une position commune au sein de l’Union africaine continuent de compliquer la recherche de solutions durables. La RDC, quant à elle, reste dans l’attente d’un soutien ferme de ses partenaires africains pour restaurer la paix et la stabilité dans l’est du pays.