La Tanzanie a expulsé dimanche 18 mai trois citoyennes kényanes, dont Martha Karua, figure de l’opposition et candidate déclarée à la présidentielle de 2027. L’avocate s’était rendue à Dar es Salaam pour assister, en tant qu’observatrice, à l’audience de l’opposant tanzanien Tundu Lissu, poursuivi pour trahison. Les trois femmes ont été arrêtées dès leur arrivée à l’aéroport, brièvement détenues, puis renvoyées à Nairobi.
Peu après son retour, Martha Karua a dénoncé une manœuvre politique. Selon elle, les autorités tanzaniennes tenteraient de neutraliser un adversaire politique majeur sous couvert de légalité. Tundu Lissu, figure centrale du parti d’opposition Chadema, a été arrêté début avril, après avoir tenu un rassemblement exigeant des réformes électorales. À un an et demi des scrutins présidentiels et législatifs, son message « pas de réformes, pas d’élections » semble avoir franchi une ligne rouge pour le pouvoir.
La situation s’inscrit dans un climat politique tendu en Tanzanie, où le débat sur les réformes électorales reste sensible. Le parti Chadema, auquel appartient Tundu Lissu, a récemment été exclu du processus électoral pour avoir refusé de signer un nouveau « code de conduite ». Un texte jugé insuffisant par l’opposition, qui réclame depuis plusieurs années une transparence accrue dans l’organisation des scrutins. Ce durcissement du ton intervient alors que la présidente Samia Suluhu Hassan peine à convaincre de sa volonté d’ouverture politique.
La tentative d’assister au procès par des observateurs internationaux, même issus d’un pays voisin, révèle l’importance que cette affaire a pris au-delà des frontières. Pour l’opposition kényane, l’expulsion de Martha Karua et de ses collègues est un signal préoccupant. Plusieurs voix de la société civile, en Tanzanie comme au Kenya, estiment que le refus d’une surveillance extérieure augure mal d’un procès équitable. Les déclarations de Karua, appelant à l’abandon des charges contre Lissu, font écho à une inquiétude croissante face à ce qu’elle qualifie de « chasse aux chimères ».
The Defenders Coalition expresses grave concern and unequivocally condemns the denial of entry into the United Republic of Tanzania of prominent Kenyan Human Rights Lawyer, Senior Counsel @MarthaKarua, @LawSocietyofKe Governing Council Member Gloria Kimani, and Advocate… pic.twitter.com/BtyiVQrLOG
— @Defenders Coalition 🇰🇪 (@DefendersKE) May 18, 2025
Les réactions n’ont pas tardé. La coalition tanzanienne des défenseurs des droits humains a exprimé sa consternation. Du côté du parti Chadema, le secrétaire général a dénoncé une tentative d’étouffer le débat démocratique. Il a interpellé la cheffe de l’État via les réseaux sociaux, estimant que « refuser l’entrée à des avocats étrangers ne résoudra pas la crise politique actuelle », et appelant à la fin des poursuites contre Lissu.
Pour certains observateurs, cette affaire pourrait ternir l’image de Samia Suluhu Hassan à l’international, elle qui avait promis un retour à l’État de droit après l’ère autoritaire de John Magufuli. La gestion du dossier Lissu et le traitement réservé à ses soutiens étrangers pourraient peser dans l’évaluation, par les partenaires de la Tanzanie, de la trajectoire démocratique du pays.