À quelques heures des élections législatives du 5 juin, le Burundi s’apprête à voter dans une atmosphère verrouillée, marquée par l’absence d’une véritable compétition électorale. Dans un contexte de crise socio-économique aiguë, la campagne s’est déroulée à sens unique, dominée par le CNDD-FDD au pouvoir, tandis que l’opposition, affaiblie et entravée, dénonce des intimidations, des violences et un climat de peur.
Pendant trois semaines, les partis d’opposition ont eu du mal à exister sur le terrain. « La campagne a été très difficile pour nous », confie Patrick Nkurunziza, président de la coalition Burundi bwa bose. La mobilisation de militants pro-pouvoir, parfois violents, a empêché tout débat équitable. À l’inverse, le CNDD-FDD a déployé des moyens considérables, assurant sa présence dans tout le pays avec des slogans triomphalistes tels que « Nous resterons au pouvoir jusqu’au retour de Jésus », illustrant l’arrogance d’un parti qui ne conçoit plus d’alternance.
Le contexte politique pèse lourdement sur ces élections. L’opposant historique Agathon Rwasa et les députés de sa mouvance ont été écartés du scrutin, vidé ainsi de toute substance démocratique. Le calendrier électoral découplé – les législatives et communales en 2025, la présidentielle en 2027 – accentue le sentiment de confusion chez les électeurs. Selon plusieurs observateurs, le sentiment dominant est celui d’une résignation : une population lassée, préoccupée par la survie quotidienne et convaincue que le résultat est déjà connu.
Pour galvaniser ses partisans, le président Evariste Ndayishimiye a multiplié les annonces ambitieuses. L’« Opération one million », qui promet de faire de chaque citoyen un millionnaire d’ici à 2027, symbolise cette fuite en avant. Mais dans un pays où plus de trois quarts de la population vivent sous le seuil de pauvreté, et qui, selon la Banque mondiale, est désormais le plus pauvre du monde, cette promesse relève davantage de l’illusion que d’un projet économique sérieux.
Le jour du vote, tous les médias seront contraints de diffuser en synergie, et seuls les résultats annoncés par la Ceni seront autorisés. La commission chargée de désigner les journalistes pour couvrir le scrutin dépend directement du ministère de la Communication. Toute tentative de publication non officielle des résultats expose à des peines de prison allant jusqu’à dix ans. Une restriction qui témoigne d’un verrouillage complet du processus électoral et d’un mépris affiché pour la liberté de la presse.
Au final, ces élections législatives apparaissent avant tout comme un exercice de reconduction du pouvoir en place. L’absence de concurrence réelle, le contrôle total de l’appareil électoral et le désintérêt manifeste d’une population exaspérée par la pauvreté et les pénuries montrent que le vote du 5 juin sera davantage un rituel de confirmation qu’un acte démocratique. Pour beaucoup de Burundais, le verdict des urnes semble déjà écrit.