La DRC Mining Week, grand-messe annuelle du secteur minier en République démocratique du Congo, s’est tenue du 11 au 13 juin à Lubumbashi. L’événement a mis en lumière deux visions occidentales contrastées sur l’avenir des ressources stratégiques du pays : là où les États-Unis renforcent leur présence dans l’exploitation directe des minerais, l’Union européenne mise sur les chaînes de transformation et les partenariats industriels durables.
Première participation remarquée pour l’ambassadrice américaine Lucy Tamlyn, qui a affirmé la volonté de Washington de rattraper son retard sur le continent africain. L’objectif est clair : sécuriser l’accès aux métaux critiques – cobalt, lithium, coltan – indispensables aux technologies vertes et numériques. Pour cela, les États-Unis lient économie et géopolitique : un accord en cours de négociation prévoit un soutien américain à la résolution du conflit dans l’Est en échange d’un accès privilégié aux gisements. En parallèle, KoBold Metals lorgne déjà sur le lithium de Manono, et Washington a injecté plus de 6 milliards de dollars dans le corridor ferroviaire de Lobito, axe logistique stratégique pour les exportations minières régionales.
Avec près de 70 % des réserves mondiales de cobalt et d’importants gisements de lithium et de coltan, la RDC est devenue un terrain incontournable pour les puissances industrielles. Mais l’instabilité de l’est du pays, où les groupes armés prolifèrent, freine les ambitions étrangères. Historiquement, les puissances occidentales ont souvent privilégié une approche extractive, parfois au détriment du développement local. Aujourd’hui, le contexte international – rivalité sino-américaine, transition énergétique mondiale – redonne à Kinshasa un rôle central dans les débats sur la souveraineté minérale.
Face à cette approche sécuritaire et offensive, l’Union européenne privilégie une stratégie plus structurelle. Le partenariat stratégique signé avec la RDC en 2023 porte sur la transformation locale, le recyclage et le transfert de compétences. L’entreprise Umicore, par exemple, appuie la STL dans le traitement des déchets industriels à Lubumbashi, tout en s’assurant un accès à des éléments chimiques rares. À travers ces projets, l’UE entend ancrer sa présence dans une logique de co-développement, où durabilité, transparence et implication de la société civile sont mis en avant.
Si les discours diplomatiques se veulent prometteurs, la question centrale reste celle du contrôle congolais sur ses ressources. Le gouvernement tente de négocier des accords plus équilibrés, mais reste confronté à des enjeux de gouvernance, de corruption et de faibles capacités techniques. L’accord en cours avec le BRGM français et le Musée royal d’Afrique pour numériser les archives minières va dans le sens d’un meilleur pilotage public, mais reste embryonnaire. L’avenir du secteur dépendra de la capacité de Kinshasa à passer d’un rôle de pourvoyeur de matières premières à celui d’acteur industriel à part entière.
Les stratégies américaine et européenne, bien que divergentes dans la forme, convergent sur le fond : garantir un accès aux minerais critiques de la RDC. Mais les enjeux de souveraineté, de paix dans l’Est, et de transformation locale imposent à Kinshasa de ne plus être un simple terrain de jeu géopolitique. Dans cette compétition silencieuse, la RDC doit aujourd’hui choisir entre subir ou peser dans la redéfinition des règles du jeu.