La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a rejeté, jeudi 26 juin 2025, les requêtes de deux grandes figures de la vie politique ivoirienne, Laurent Gbagbo et Guillaume Soro. La juridiction basée à Arusha a estimé que les plaintes déposées par les deux hommes n’étaient pas recevables ou pas suffisamment étayées pour faire droit à leurs demandes.
Dans son premier arrêt, la Cour a jugé que la requête de Guillaume Soro ne pouvait être retenue. L’ancien Premier ministre, actuellement en exil, est reproché de ne pas avoir épuisé tous les recours internes avant de porter sa cause devant la juridiction africaine. Il dénonçait pourtant des poursuites judiciaires motivées par des considérations politiques, ainsi que l’arrestation de plusieurs de ses proches. Le mouvement Générations et Peuples Solidaires (GPS), fondé par Soro, n’a pas réagi à cette décision. Quant à Laurent Gbagbo, il contestait sa radiation des listes électorales après sa condamnation à vingt ans de prison par contumace. La Cour a estimé que les preuves fournies par l’ancien président n’étaient pas suffisantes pour justifier une atteinte à ses droits.
Ces décisions s’inscrivent dans un contexte tendu entre la Côte d’Ivoire et la CADHP. En 2020, Abidjan a retiré sa déclaration reconnaissant la compétence juridictionnelle de la Cour, après plusieurs décisions jugées intrusives. Depuis, le gouvernement ivoirien affirme ne plus être lié par ses arrêts, estimant que ceux-ci compromettent la souveraineté nationale. La radiation de Gbagbo, déjà suspendue de manière provisoire par la Cour en 2020, n’a jamais été levée, faute de reconnaissance institutionnelle des décisions d’Arusha.
Avec ce double rejet, les marges de manœuvre juridiques de Gbagbo et Soro au niveau continental se réduisent. Pour Guillaume Soro, l’exil prolongé et l’absence de recours internes épuisés risquent de l’isoler davantage sur le plan judiciaire. Pour Laurent Gbagbo, la voie d’un retour à une pleine participation électorale se heurte toujours au verrou de sa condamnation pénale, qui demeure un obstacle majeur à sa réhabilitation politique.
Derrière ces affaires juridiques se joue une lutte plus profonde entre des acteurs politiques marginalisés et un État ivoirien décidé à contrôler les leviers institutionnels. La défiance d’Abidjan envers la Cour africaine, bien que conforme à son droit de retrait, pose question sur l’effectivité des mécanismes africains de protection des droits humains. La CADHP, bien qu’institutionnellement affaiblie par les retraits successifs d’États membres, continue à rendre des arrêts symboliques, souvent ignorés ou contestés.