Le ministère public congolais a requis la peine de mort contre l’ancien président Joseph Kabila, jugé par contumace à Kinshasa pour sa supposée complicité avec la rébellion M23/AFC, soutenue par le Rwanda. Il est accusé de trahison, complot, crimes de guerre et viol, des charges auxquelles il n’a pas répondu.
Dans son plaidoyer, l’auditeur général Lucien-René Likulia a appelé le tribunal militaire à condamner Kabila pour « crimes de guerre », « organisation d’un mouvement insurrectionnel » et « trahison », assortissant cette réquisition d’une peine complémentaire de 15 ans de prison pour « complot ». Pour étayer ses accusations, il a rappelé des propos attribués à l’ancien chef de l’État, qui aurait affirmé au Sunday Times que le M23 « représentait les aspirations du peuple congolais ». Il a également mis en avant des déplacements suspects de Kabila via le Rwanda, ainsi que des témoignages d’acteurs politiques et d’un condamné.
Ces réquisitions interviennent dans un climat politique tendu en République démocratique du Congo. Depuis le mois dernier, ce procès bouscule les rangs de l’ancien régime, qui dénonce une instrumentalisation judiciaire. Le M23, dont les exactions sont dénoncées depuis plus d’une décennie, reste au cœur des tensions régionales, accusé d’être soutenu par Kigali. L’image de Joseph Kabila, président de 2001 à 2019, se retrouve ainsi associée aux violences qui ensanglantent l’est du pays.
Les juges ont annoncé que leur verdict serait rendu dans les prochaines semaines. Si la condamnation à mort est confirmée, elle constituerait une première historique visant un ancien président en RDC, même si la peine de mort n’est plus appliquée dans les faits depuis plusieurs années. Cette décision pourrait accentuer la fracture politique interne et tendre davantage les relations régionales déjà fragiles.
Pour Me Richard Bondo, avocat principal des parties civiles, la messe est dite : « Les preuves sont là. Kabila est condamnable sur tous les plans. » Selon lui, il ne subsiste « aucune brèche » permettant à l’ancien président d’espérer l’innocence. À l’inverse, ses partisans qualifient le procès de « mascarade », affirmant que les charges sont construites sur des bases fragiles et sur des témoignages contestés. La polarisation politique autour de cette affaire reflète une lutte de pouvoir qui dépasse le simple cadre judiciaire.
Au-delà de la figure de Kabila, ce procès illustre la volonté des autorités actuelles de marquer une rupture avec l’ancien régime, mais aussi de montrer une fermeté face aux rébellions de l’est. Il interroge cependant sur l’indépendance réelle de la justice militaire dans un pays où le droit est souvent instrumentalisé. Si cette affaire aboutit à une condamnation exemplaire, elle pourrait être perçue autant comme un avertissement politique que comme un tournant judiciaire.