La campagne électorale pour les élections générales d’octobre s’est officiellement ouverte ce 28 août en Tanzanie. Pour la première fois, elle se déroule avec un recours massif aux outils numériques. Le parti au pouvoir, le Chama Cha Mapinduzi (CCM), a lancé un chatbot d’intelligence artificielle sur WhatsApp, destiné à répondre directement aux questions des électeurs sur son programme, tandis que l’opposition renforce sa présence sur les réseaux sociaux.
L’outil mis en avant par le CCM, baptisé « Kijani Ilani » (le « manifeste vert » en swahili), propose une interaction instantanée. En ajoutant simplement un numéro sur WhatsApp, les électeurs peuvent obtenir des informations sur la santé, l’éducation ou les infrastructures, sans avoir à parcourir les centaines de pages du manifeste officiel. Une innovation qui traduit l’entrée de la politique tanzanienne dans une nouvelle ère, selon les experts locaux.
Jusqu’ici, l’espace numérique avait surtout profité à l’opposition, qui y voyait un espace de mobilisation face à un pouvoir solidement implanté sur le terrain. Le CCM, historiquement ancré dans les structures locales, tente désormais de combler ce retard. Comme le souligne Mike Mushi, expert numérique basé à Dar es Salaam, « aujourd’hui, le digital n’est plus un choix, c’est une obligation ». Ce repositionnement traduit une volonté du pouvoir de rééquilibrer le rapport de forces.
Si cette digitalisation ouvre la voie à une meilleure accessibilité des programmes politiques, elle suscite aussi des inquiétudes. La surveillance accrue des communications, les risques de désinformation et la fragilisation de la vie privée figurent parmi les menaces identifiées. Dans un pays où le gouvernement n’hésite pas à bloquer temporairement des plateformes comme Facebook ou WhatsApp, ces outils peuvent devenir autant des canaux d’information que des instruments de contrôle.
L’opposition, souvent contrainte de recourir aux VPN pour contourner la censure, pourrait voir son espace de manœuvre réduit si le pouvoir accentue ses restrictions en ligne. La bataille électorale tanzanienne se jouera donc autant sur les estrades que sur les écrans. Pour les électeurs, cette nouvelle donne digitale représente une opportunité d’accès direct aux programmes, mais aussi un terrain miné où s’affrontent propagande et contre-discours.