Les autorités de transition nigériennes ont franchi une étape décisive en adoptant, vendredi 26 décembre en Conseil des ministres, un projet d’ordonnance instituant une « mobilisation générale pour la défense de la patrie ». Ce cadre juridique inédit vise à organiser la réponse de l’État et de la population face à des menaces, qualifiées d’intérieures ou extérieures, contre l’intégrité nationale.
Le texte confère à l’État des pouvoirs étendus pour réquisitionner personnes et biens dans le cadre de cette mobilisation. Il impose également une obligation de vigilance citoyenne, enjoignant à tout Nigérien de signaler aux autorités la présence de ressortissants de pays « hostiles » sur le territoire et tout acte susceptible d’entraver l’effort national. Les autorités justifient ces mesures par l’impératif de préserver la souveraineté, les institutions et la population.
Cette décision s’inscrit dans un contexte régional volatile, marqué par la rupture des alliances militaires historiques avec les partenaires occidentaux et la formation de l’Alliance des États du Sahel (AES) avec le Burkina Faso et le Mali. Elle intervient alors que Niamey fait face à une pression sécuritaire persistante de groupes jihadistes et à des tensions géopolitiques accrues depuis le coup d’État de juillet 2023. Le Burkina Faso voisin a adopté une législation similaire en 2023.
Les perspectives immédiates concernent la promulgation et la mise en œuvre opérationnelle de cette ordonnance. Ce dispositif pourrait servir de levier pour renforcer le contrôle de l’État sur les ressources et les populations dans un climat de défiance accrue envers les acteurs perçus comme étrangers. Il soulève des questions sur son application concrète, son impact sur les libertés individuelles et son utilisation potentielle pour consolider le pouvoir en place et gérer toute forme d’opposition interne.
Analystes et observateurs scrutent ce développement sous plusieurs angles. D’un côté, il est présenté par le régime comme un outil de légitime défense et de souveraineté retrouvée. De l’autre, il suscite des inquiétudes quant à la possibilité d’un renforcement des mesures autoritaires et d’une restriction des droits civils sous couvert d’urgence sécuritaire. L’absence de définition claire des pays « hostiles » laisse une marge d’interprétation large pouvant cibler d’anciens partenaires ou voisins.
La référence à une « menace intérieure » est particulièrement analysée. Elle pourrait signaler une volonté de prévenir ou de réprimer tout mouvement de protestation ou d’instabilité politique au sein du pays, dans un paysage interne encore marqué par les conséquences du changement de régime. Cette mobilisation générale, une première dans l’histoire du Niger, dessine les contours d’une société militarisée, où l’impératif de défense prime, reflétant la radicalisation de la posture des régimes de l’AES face à ce qu’ils décrivent comme un environnement d’encerclement et d’agression.



