L’icône de la gauche Lula redevient président du Brésil dimanche lors d’une inauguration snobée par le chef de l’Etat sortant Jair Bolsonaro et entourée d’importantes mesures de sécurité face à la menace posée par l’extrême droite.
A 77 ans, Luiz Inacio Lula da Silva doit être de nouveau proclamé président de la première puissance d’Amérique latine après ses deux mandats de 2003 à 2010, et signer le retour de la gauche au palais présidentiel du Planalto.
Quelque six heures avant son intronisation, des centaines de partisans, souvent vêtus de rouge, la couleur du Parti des travailleurs (PT) de Lula, avaient envahi les rues de la capitale et une file d’attente interminable, d’au moins un km, s’était formée aux contrôles de sécurité, a constaté un journaliste de l’AFP.
“Olé, olé, olà, Lula, Lula”, et “A esplanada e nossa!” (l’esplanade est à nous) criait la foule en référence à l’Esplanade des ministères, au coeur de Brasilia, où Lula prononcera son premier discours de président.
“Bienvenue pour votre retour dans la capitale, président Lula”, pouvait-on lire sur une bannière portée par un sympathisant.
Jusqu’à 300.000 personnes sont attendues pour cette journée devant allier la pompe, avec des cérémonies réglées au millimètre, et la fête, avec des concerts, dans la capitale habituellement paisible à l’architecture futuriste.
“C’est un moment historique et cela aurait été impossible que je ne sois pas là”, dit à l’AFP Zenia Maria Soares Pinto, une enseignante retraitée. Elle a fait 30 heures d’autocar depuis son Etat méridional de Santa Catarina pour rallier Brasilia. “Mon émotion est sans borne”.
Parmi la cinquantaine de délégations étrangères présentes figurent 17 chefs d’Etat, dont les présidents de l’Allemagne, du Portugal, de plusieurs pays latino-américains comme l’Argentine, et le roi d’Espagne.
Les Etats-Unis ont dépêché la secrétaire à l’Intérieur Deb Haaland et la Chine le vice-président Wang Qishan. La France est représentée par Olivier Becht, ministre délégué au Commerce extérieur.
“Créer le chaos”
Fait inédit depuis 1985 et la fin du régime militaire, le président sortant Bolsonaro ne ceindra pas son successeur de l’écharpe présidentielle jaune et verte, comme le veut la tradition démocratique.
Le président d’extrême droite, reclus et quasi muet depuis sa défaite d’octobre, a quitté le Brésil vendredi. Il se trouverait en Floride chez un ex-champion d’arts martiaux.
Alors que ses fidèles les plus radicaux veulent empêcher l’accession de Lula au pouvoir et campent toujours devant des casernes de diverses villes, réclamant une intervention militaire, la sécurité a été renforcée.
Toutes les forces de police du district de Brasilia, quelque 8.000 agents, sont mobilisées, ainsi qu’un millier de policiers fédéraux.
Le nombre de personnes pouvant assister au discours de Lula devant le palais de Planalto a été limité à 30.000.
Des patrouilles ont lieu à l’aéroport de Brasilia près duquel un engin explosif a été découvert il y a une semaine dans un camion-citerne, posé par un bolsonariste qui voulait “créer le chaos” et “empêcher l’arrivée du communisme” au Brésil.
Les cérémonies commenceront à 14H20 (17H20 GMT) avec l’arrivée à la cathédrale de Lula et de son vice-président de centre droit, Geraldo Alckmin.
Le débat sur le véhicule qui doit ensuite transporter Lula jusqu’au Congrès sera tranché “au dernier moment”: la traditionnelle Rolls Royce décapotable, ou une voiture blindée pour des raisons de sécurité.
“Grande fête populaire”
Lula sera officiellement investi président à 15H00 (18H00 GMT) après avoir prêté le serment de respecter la Constitution devant le Congrès.
Puis il se dirigera vers le Palais présidentiel du Planalto, joyau architectural d’Oscar Niemeyer, pour recevoir la fameuse écharpe présidentielle, sertie d’or et de diamants.
La foule sera massée pour écouter le discours du nouveau président sur l’immense esplanade des ministères, près de la place des Trois Pouvoirs, où se côtoient le palais de Planalto, le Congrès et la Cour suprême.
La future Première Dame, Rosangela da Silva, dite “Janja”, a été la grande ordonnatrice du volet festif de la journée, avec des concerts.
L’épouse de Lula a promis une “grande fête populaire”, avec de la musique sur deux scènes et une programmation éclectique, avec la drag queen Pabllo Vittar ou encore la légende vivante de la samba Martinho da Vila.
Quant à Lula, qui n’a complété son gouvernement de 37 ministres que ces derniers jours, il va devoir dès lundi s’attaquer à une “tâche herculéenne”, a dit son vice-président: l’équipe de transition a dressé un état des lieux très sombre du Brésil après quatre années de bolsonarisme.
“Sa victoire électorale a été étroite, il prend la tête d’un pays divisé, avec une opposition mobilisée”, relève Leandro Consentino, politologue de l’Institut Insper à Sao Paulo.