Une cérémonie de reddition d’une soixantaine de combattants s’est tenue ce mercredi dans l’enceinte du gouvernorat de Kidal, une ville symbolique du nord du Mali récemment reprise par l’armée malienne et ses alliés. Cet événement, présenté par les autorités de transition comme une victoire pour la réconciliation nationale, intervient dans un contexte sécuritaire et politique particulièrement tendu, marqué par l’absence des groupes signataires de l’Accord de paix de 2015.
Lors de cette opération publique, les combattants ont remis aux autorités militaires et régionales un lot d’armes, de véhicules et d’équipements logistiques. Un des ex-combattants a déclaré, devant un parterre d’officiels et de représentants de la société civile, avoir “opté pour la paix” et s’être engagé à servir le Mali, appelant d’autres à suivre son exemple. Les autorités ont salué le retour de ces “frères” dans le giron national, présentant cette démarche comme un fruit de la politique de paix et de réconciliation du gouvernement.
Cette scène se déroule dans une région, l’Azawad, historiquement en proie à des cycles de rébellion et de répression depuis l’indépendance du Mali en 1960. Elle fait écho à la dynamique de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, signé en 2015 entre le gouvernement et des coalitions armées, principalement touarègues. Cependant, cet accord est aujourd’hui considéré comme moribond par de nombreux observateurs. La prise de Kidal par l’armée malienne en novembre 2023, avec le soutien du groupe paramilitaire russe Wagner, a marqué une rupture stratégique et a exacerbé les tensions avec les groupes signataires, désormais exclus du contrôle de leur fief.
Les perspectives à court terme sont celles d’une consolidation fragile de l’autorité de l’État à Kidal, mais aussi d’une aggravation potentielle des hostilités. La reddition de ce groupe, dont l’ampleur réelle et l’affiliation exacte restent à préciser, contraste avec le regain d’activité militaire observé ailleurs dans le nord. Les principaux mouvements signataires de l’Accord de 2015, comme la CMA, ont récemment annoncé la reprise des combats, dénonçant la “trahison” de Bamako et la présence de forces étrangères. Le risque est un enlisement dans un nouveau conflit ouvert, parallèlement à la lutte contre la menace jihadiste, toujours active.
Analysée de près, cette reddition pose plusieurs questions. Elle sert avant tout un récit gouvernemental de reconquête territoriale et de légitimité politique, dans l’optique de la fin de la transition. Toutefois, elle semble marginale face à la défection massive des groupes structurés qui avaient pactisé avec l’État. Le processus de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR), pierre angulaire de l’Accord de 2015, est au point mort. Cette opération isolée ne garantit en rien une pacification durable de la région, d’autant que les griefs historiques concernant l’autonomie, le développement et la représentation politique des populations du Nord restent entièrement non résolus.
Enfin, la stratégie sécuritaire du Mali, qui repose désormais sur un partenariat étroit avec la Russie au détriment des anciens alliés occidentaux et de la mission onusienne (MINUSMA), redessine complètement l’équation. La capacité de Bamako à engager un dialogue inclusif avec ses propres citoyens rebelles est désormais filtrée par cette alliance et ses priorités. La communauté internationale, largement tenue à distance, observe cette évolution avec inquiétude, craignant que le centre du Mali ne serve de sanctuaire à des groupes qui pourraient déstabiliser toute la région sahélo-saharienne. La cérémonie de Kidal est donc moins un aboutissement qu’un épisode révélateur des profondes fractures qui traversent toujours le pays.



