L’ambassadeur du Tchad au Cameroun, Djidda Moussa Outhman, regagne son poste à Yaoundé ce 7 juin 2023, après son rappel « en consultation » le 20 avril 2023, « en raison d’une brouille autour de la question du pétrole tchadien transitant par le Cameroun ». Telle est la quintessence d’un communiqué signé ce 7 juin 2023 par le porte-parole du ministère tchadien des Affaires étrangères, des Tchadiens de l’étranger et de la Coopération internationale, Ibrahim Adam Mahamat.
Le retour du diplomate tchadien dans la capitale camerounaise marque officielle la fin de la crise diplomatique née entre les deux pays, à la suite de la signature, le 20 avril 2023, d’un pacte actionnarial entre la Société nationale des hydrocarbures (SNH) du Cameroun et Savannah Energy, une junior-pétrolière britannique qualifiée de « nébuleuse » par les autorités tchadiennes. L’accord prévoit le rachat par la société pétrolière publique camerounaise, de 10% des parts de Savannah Midstream, filiale du junior britannique, dans Cameroon Oil Transportation Company (Cotco), la société en charge de la gestion de la partie camerounaise du pipeline Tchad-Cameroun. Coût de l’opération : 44,9 millions de dollars (près de 27 milliards de FCFA).
Ce pacte actionnarial suscite le courroux de N’Djamena, dans la mesure où, à travers le deal entre la SNH et Savannah Energy, le Cameroun reconnaît implicitement à la junior britannique la propriété des actifs pétroliers tchadiens rachetés à Exxon Mobil. Alors que le Tchad, qui conteste « vigoureusement » cette transaction, a nationalisé lesdits actifs. Dans la foulée, N’Djamena reproche également aux autorités camerounaises de ne pas délivrer la non-objection devant déboucher sur l’approbation par le Conseil de la concurrence de la Cemac (Cameroun, Tchad, Gabon, Congo ; Guinée équatoriale, RCA), du rachat par la société des hydrocarbures du Tchad (SHT) des actifs de Petronas dans le pays. Une transaction qui permettra au Tchad de prendre le contrôle de Cotco, avec 53,7% du capital.
La question du deal SNH-Savannah Energy
Mais, tous ces nuages dans le ciel des relations diplomatiques entre le Cameroun et le Tchad, sur fond de bataille pour le contrôle de la gestion de l’oléoduc entre les deux pays, vont vite se dissiper. Le 26 avril 2023, Paul Biya, le chef de l’État du Cameroun, missionne le secrétaire général de la présidence de la République (SGPR), Ferdinand Ngoh Ngoh, à N’Djamena. Ce dernier est porteur d’un pli fermé destiné au chef de l’État tchadien, le général Mahamat Deby Itno. « Toutes les questions ont été abordées et certaines incompréhensions ont à cette occasion été dissipées », confie Ferdinand Ngoh Ngoh à la presse, au sortir de l’audience avec le chef de l’État du Tchad.
Le 11 mai 2023 à Douala, la capitale économique camerounaise, le Conseil de la concurrence de la Cemac donne son quitus à la transaction entre la SHT et Petronas, témoignant ainsi de la délivrance de la non-objection par le Cameroun, qui restait jusqu’ici le seul pays de la Cemac à n’avoir pas émis cet avis favorable. Le 15 mai 2023, le président de la Commission de la Cemac d’alors, le Gabonais Daniel Ona Ondo, signe la décision autorisant le deal entre SHT et Petronas Carigali Chad exploration & Production Inc., la filiale tchadienne du géant malaisien Petronas.
Cependant, le quitus des autorités de la Cemac est subordonné à un ensemble d’engagements à prendre par la partie tchadienne en vue d’éviter que sa position dominante ne porte atteinte aux intérêts des autres parties prenantes. Il s’agit principalement de « rétrocéder à la Société nationale des hydrocarbures du Cameroun, et à la demande de cette dernière, une partie de ses actions dans Cotco », peut-on lire dans la décision.
De bonnes sources, les détails de cette transaction ont fait partie des dossiers discutés au cours d’une récente mission conduite à Yaoundé par le ministre secrétaire général de la présidence de la République du Tchad, Gali Ngothé Gatta. Mission sur laquelle a plané le sort à réserver au deal entre la SNH et Savannah Energy, sur lequel les autorités camerounaises devront trancher, en évitant de déclencher une nouvelle crise avec le Tchad. Surtout N’Djamena tente désormais d’expulser complètement Savannah Energy de l’actionnariat de Cotco.
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