À moins d’un an de la présidentielle de 2026, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) a mis en examen deux hauts fonctionnaires du ministère béninois de l’Intérieur ainsi que Richard Boni Ouorou, fondateur du nouveau parti Le Libéral, pour des faits de corruption et de blanchiment de capitaux. Ils ont été placés sous mandat de dépôt dans la nuit du 21 au 22 mai.
L’enquête, dévoilée par le procureur spécial Mario Mètonou, repose sur les paiements effectués par Richard Boni Ouorou, un entrepreneur béninois vivant au Canada, en échange de l’agrément officiel de son parti politique. Le fondateur aurait versé 7 millions de francs CFA pour accélérer le processus, selon ses propres aveux. L’un des fonctionnaires mis en cause, directeur des partis politiques au sein du ministère, a reconnu avoir perçu 5 millions de francs CFA, somme retrouvée à son domicile lors d’une perquisition. Le secrétaire général du ministère est également poursuivi, mais laissé en liberté provisoire.
Ce scandale éclate alors que le pays entre dans une phase préélectorale délicate. Le président Patrice Talon, au pouvoir depuis 2016, ne peut plus se représenter selon la Constitution. L’affaire vient donc jeter une ombre sur le processus d’enregistrement des partis politiques, un enjeu sensible depuis les réformes électorales controversées de 2018, qui avaient réduit drastiquement le nombre de formations autorisées à concourir.
Cette affaire pourrait raviver les critiques sur la transparence du système électoral béninois et sur l’impartialité de l’administration en charge des agréments politiques. Pour certains observateurs, ces inculpations pourraient être instrumentalisées pour écarter des figures montantes de l’opposition à l’approche du scrutin. D’autres y voient la volonté de la CRIET de démontrer son indépendance, dans un pays où elle est régulièrement accusée de servir les intérêts du pouvoir.
Richard Boni Ouorou, à la tête du parti Le Libéral, cultivait une image d’homme du peuple, actif sur les réseaux sociaux et engagé dans le débat public. Installé au Canada, il se présentait comme un entrepreneur à succès, avec des ambitions politiques affichées pour 2026. Sa communication, souvent axée sur la générosité et la proximité, contraste aujourd’hui avec la gravité des accusations. Depuis son arrestation, plusieurs de ses vidéos circulent ironiquement sur les réseaux sociaux.
L’affaire met en lumière le fonctionnement opaque de l’octroi des récépissés politiques au Bénin. Dans un pays où la création de partis est soumise à des conditions strictes, certains acteurs dénoncent des pratiques discrétionnaires. La CRIET, créée en 2018 pour lutter contre la corruption et le terrorisme, est ici à la manœuvre. Mais son implication soulève, une fois de plus, des interrogations sur son rôle réel dans le paysage judiciaire béninois.