Le Parlement burundais a créé une nouvelle commission des droits de l’homme lundi soir, avec pour mission explicite de s’opposer à l’envoyé spécial des Nations unies pour les droits de l’homme, Fortune Gaetan Zongo. Ce dernier est accusé de dresser un portrait négatif du pays en soulignant des violations graves des droits humains. Cette initiative survient après le départ en exil de l’ancien président de la commission, Sixte Vigny Nimuraba, accusé de corruption et de désaccords avec le gouvernement, notamment sur son rapport détaillant de nombreuses violations des droits de l’homme.
La nouvelle commission, désormais dirigée par l’évêque Martin Blaise Nyaboho, a suscité des critiques, notamment en raison de son caractère jugé proche du pouvoir. Ce changement intervient après que l’ancienne commission, longtemps perçue comme favorable au gouvernement, ait pris des positions plus critiques à l’égard de l’exécutif, en particulier avec le rapport de Nimuraba en janvier dernier. Ce dernier a mis en lumière des centaines de violations des droits humains, provoquant une réaction virulente des autorités. Depuis sa fuite en Europe, après une perquisition de son domicile, l’ancien président de la commission reste un symbole de la répression gouvernementale.
Le Burundi est régulièrement accusé par les organisations internationales de défendre une politique de répression de la société civile, de l’opposition et des médias. Depuis le début de la crise politique de 2015, marquée par un troisième mandat controversé du président Pierre Nkurunziza, le pays a vu des atteintes flagrantes aux droits de l’homme, telles que des disparitions forcées et des arrestations arbitraires. Le rapport de Fortune Gaetan Zongo, qui a vivement critiqué l’impunité dont bénéficient les auteurs de ces violations, n’a fait qu’intensifier les tensions entre le gouvernement burundais et l’ONU.
La mission de la nouvelle commission des droits de l’homme semble d’ores et déjà marquée par une ligne ferme contre les critiques internationales. Le président de l’Assemblée nationale, Gelase Daniel Ndabirabe, a clairement exprimé que l’objectif de cette commission était de “combattre” les accusations de violations des droits humains portées par l’ONU, en particulier celles mentionnées par Zongo. Il s’agira pour les nouveaux commissaires de déconstruire le rapport de l’envoyé de l’ONU, ce qui pourrait mener à un renforcement de l’isolement du Burundi sur la scène internationale, déjà éprouvé par plusieurs années de sanctions et de tensions diplomatiques.
Les critiques internes ne se sont pas fait attendre. Pacifique Nininahazwe, militant des droits de l’homme en exil, a dénoncé l’illégalité de la démarche du Parlement burundais, soulignant que la loi interdisait le remplacement des commissaires en cours de mandat. Selon lui, cette nouvelle commission est composée de personnalités proches du pouvoir et dénuées d’expérience en matière de droits humains. Ce point de vue est largement partagé par d’autres défenseurs des droits de l’homme qui voient dans cette nomination une tentative de manipulation politique visant à affaiblir toute opposition légitime à la politique du gouvernement.
Les départs en exil de plusieurs figures clés de la société civile et des institutions nationales témoignent d’une répression accrue dans le pays. En février, deux membres de la Commission vérité et réconciliation ont été contraints de fuir le pays après avoir été accusés de trahison par le gouvernement. Ces exils, ainsi que les déclarations de Nininahazwe, mettent en lumière la situation difficile à laquelle sont confrontés ceux qui s’opposent ouvertement à la ligne politique du régime, alors que le Burundi continue de se fermer aux critiques internationales.