Des diplômes falsifiés, des lettres d’acceptation contrefaites, des preuves bancaires truquées et des promesses mensongères de bourses d’études : des réseaux criminels d’immigration ont trompé des milliers d’étudiants africains, des universités canadiennes et les autorités du Québec et du Canada. Ces arnaques ont non seulement déstabilisé les étudiants, mais ont également permis à certains d’entre eux d’entrer illégalement au pays en profitant de failles administratives.
L’histoire d’Aminata (nom fictif), une jeune béninoise, illustre bien cette fraude complexe. En 2023, elle se laisse convaincre par un consultant en immigration, qui lui promet une admission à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Après avoir payé 7 000 $ à ce soi-disant expert, elle reçoit ses papiers officiels et prend l’avion pour le Canada. Toutefois, une fois arrivée à Montréal, elle découvre que sa lettre d’admission est une contrefaçon. Le consultant l’avait manipulée, dissimulant la vérité sur son dossier et sur les frais réels des études. La fraude est d’autant plus cruelle qu’Aminata, aveuglée par son rêve canadien, a épuisé toutes ses économies, ne disposant même pas des fonds nécessaires pour sa survie au Canada.
Le cas d’Aminata n’est malheureusement pas isolé. Depuis la pandémie, des réseaux criminels ont ciblé de nombreux jeunes africains aspirant à étudier au Canada. L’UQAC, où Aminata avait été censée poursuivre ses études, a recensé une centaine de cas similaires en 2023. Ces arnaques reposent sur des pratiques illégales comme la falsification de documents et la création de fausses garanties financières. L’université, ainsi que les autorités canadiennes, ont parfois mis du temps à détecter ces fraudes, ce qui a permis à des étudiants d’obtenir des visas et d’entrer au pays sur la base de documents falsifiés. La fraude organisée n’est donc pas un phénomène isolé mais bien une industrie illégale qui prospère sur la crédulité et la vulnérabilité des étudiants africains.
Face à cette situation, le gouvernement canadien a renforcé les contrôles pour détecter les lettres d’admission frauduleuses. En 2024, plus de 10 000 documents falsifiés ont été interceptés grâce à de nouvelles vérifications. Toutefois, la question de la régularisation des étudiants victimes de ces arnaques reste ouverte. Certaines victimes, comme Aminata, sont coincées dans un système où, bien qu’elles aient été piégées par des consultants malveillants, elles risquent l’expulsion sans possibilité de régulariser leur statut. Un groupe de travail, formé en 2023 par les autorités canadiennes, examine encore 285 cas similaires, mais le processus avance lentement, ce qui laisse ces étudiants dans une situation précaire et incertaine.
L’impact humain de ces fraudes est profond. Les étudiants, une fois arrivés au Canada, se retrouvent souvent dans une situation de misère, sans possibilité d’étudier ni de travailler légalement. Beaucoup, comme Aminata, sont piégés dans un cercle vicieux de dettes et de stress constant. Fatou, une autre victime, témoigne de la difficulté de vivre à Saguenay, où le coût de la vie est bien plus élevé que ce qu’elle avait anticipé. Le manque de soutien institutionnel pour ces étudiants démunis accentue leur souffrance. De plus, l’université, bien qu’ayant identifié plusieurs cas de fraude, se montre impuissante face à l’ampleur du phénomène.
En Afrique, l’industrie de l’immigration frauduleuse reste florissante, particulièrement dans des pays comme le Sénégal, la Guinée ou le Bénin. Les réseaux criminels, qui se cachent derrière des agences et des consultants autoproclamés, continuent de vendre des rêves à des jeunes désespérés, prêts à tout pour échapper à la pauvreté. Ces faux experts, souvent sans certification légale, exploitent les vulnérabilités des familles africaines, qui croient dur comme fer aux promesses de visa et d’admissions universitaires. Les autorités canadiennes peinent à lutter contre ces réseaux bien structurés, souvent complices avec des institutions africaines pour falsifier documents et diplômes.
Source : Radio Canada