En Centrafrique, les violences sexuelles commises par des soldats de la Minusca se poursuivent, révèle une enquête conjointe du journal Le Monde et de The New Humanitarian publiée le 16 octobre. Ces agressions, qui avaient déjà éclaté au grand jour en 2015, restent en grande partie non signalées par les victimes, souvent par manque de confiance et d’information sur les recours disponibles.
L’enquête, menée par la journaliste Barbara Debout, met en lumière le calvaire de dix-neuf femmes ayant subi ces abus. Traumatisées et stigmatisées, certaines ont dû fuir leur famille avec leurs enfants pour tenter de reconstruire leur vie dans une autre ville. La peur des représailles empêche beaucoup d’entre elles de porter plainte, d’autant que les victimes ignorent souvent l’existence d’un soutien ou de procédures accessibles.
Ces révélations interviennent près de dix ans après les premières accusations d’abus sexuels portées contre les forces onusiennes en Centrafrique. À la suite de ces scandales, la Minusca avait annoncé des mesures de prévention, telles que la création de comités locaux de surveillance et la mise en place d’un numéro vert. Cependant, l’enquête souligne que ni les victimes ni les ONG locales ne semblent avoir eu connaissance de ces initiatives.
La porte-parole de la Minusca, Florence Marchal, attribue cette situation aux difficultés liées à l’immensité du territoire centrafricain et à l’absence d’infrastructures de communication efficaces. Elle affirme que 344 victimes ont toutefois pu bénéficier de formations professionnelles pour retrouver leur autonomie financière. Mais ces efforts restent insuffisants face à l’ampleur des violences rapportées.
L’ONU a répertorié plus de 730 accusations d’abus sexuels contre des soldats de la Minusca depuis 2015. Parmi les militaires incriminés dans la dernière enquête figurent des casques bleus rwandais. En réaction, l’armée rwandaise a formellement rejeté les accusations le 17 octobre 2024, déclarant que ses troupes sont irréprochables et qu’elles prennent très au sérieux toute allégation d’inconduite.
Ces nouvelles révélations ravivent le débat sur l’efficacité des missions de maintien de la paix de l’ONU et soulèvent des questions sur l’impunité des forces internationales. Pour restaurer la confiance des populations locales, des mesures plus concrètes et mieux communiquées sont indispensables, au-delà des dispositifs en place. Les ONG appellent également à des poursuites systématiques des responsables, afin que ces crimes ne restent plus impunis.