Le 19 mars 2025, l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire a adopté une loi destinée à mieux encadrer le fonctionnement des organisations de la société civile (OSC). Cette législation vise principalement à renforcer la surveillance des ONG en imposant des obligations de transparence, notamment à travers des rapports annuels sur leurs activités et leurs finances. Le texte, qui doit encore être validé par le Sénat, prévoit également des mesures pour prévenir des risques tels que le blanchiment de capitaux, notamment à travers les dons provenant d’organismes religieux. Cependant, cette initiative a suscité une vive opposition, certains y voyant une ingérence excessive dans la gestion des associations.
Cette loi, dont l’objectif est de moderniser un cadre juridique datant de 1960, impose des exigences strictes aux organisations de la société civile. En plus de soumettre chaque année un rapport d’activités et financier au ministère de l’Intérieur, les OSC devront désormais justifier l’origine des fonds qu’elles reçoivent. Ce contrôle vise à prévenir des abus éventuels, notamment l’utilisation de fonds pour des fins illicites ou la manipulation par des groupes terroristes. Le ministre de l’Intérieur, Vagondo Diomandé, a souligné que la loi répond à des préoccupations de sécurité nationale et de lutte contre la criminalité financière, soulignant le rôle central des dons dans le financement de ces organisations.
La loi s’inscrit dans un contexte où la société civile en Côte d’Ivoire est en pleine expansion. Selon les données officielles, près de 14 000 OSC sont actuellement recensées dans le pays. Cependant, l’arsenal législatif qui régit ces organisations date de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, en 1960, et a largement perdu sa pertinence face à l’évolution du secteur. L’objectif de la réforme est donc de mettre ce cadre en conformité avec les normes internationales, tout en répondant aux enjeux contemporains de sécurité et de transparence. Cela inclut également l’adhésion du pays aux standards internationaux de lutte contre le financement du terrorisme.
L’adoption de la loi n’a pas fait l’unanimité au sein de l’Assemblée nationale. Si le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), le parti majoritaire, soutient la mesure en la présentant comme une réponse à des enjeux économiques et sécuritaires, l’opposition critique vivement cette nouvelle législation. Pour des élus comme Chrysostome Blessy du PDCI, cette loi représente une intrusion dangereuse dans les affaires des organisations de la société civile et une remise en cause de la liberté religieuse. Ils dénoncent une « dérive autoritaire » et exigent des preuves tangibles de la connexion entre les ONG et le blanchiment d’argent.
Les partisans du texte insistent sur les bénéfices pour la société ivoirienne, arguant que la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est primordiale dans un contexte global de tensions sécuritaires. Toutefois, l’ampleur des obligations imposées aux organisations de la société civile soulève des interrogations sur la portée de cette surveillance étatique. L’opposition, quant à elle, met en avant les risques d’une concentration excessive du pouvoir dans les mains de l’exécutif et appelle à un équilibre plus respectueux des libertés associatives.
Si cette loi est validée par le Sénat, elle pourrait transformer en profondeur le paysage des organisations de la société civile en Côte d’Ivoire. Les ONG pourraient désormais se retrouver sous un contrôle administratif plus rigide, ce qui pourrait dissuader certaines d’entre elles de continuer leurs activités, ou, au contraire, les amener à adapter leurs pratiques pour se conformer à la nouvelle législation. À terme, il est probable que cette loi suscite un débat plus large sur la régulation des associations et l’équilibre entre sécurité et libertés publiques dans un contexte démocratique.