Face à l’escalade des discours de haine au Cameroun, le gouvernement durcit le ton et agite la menace des sanctions judiciaires. « L’existence et l’exacerbation des discours de haine constituent une menace réelle à la cohésion sociale et à la stabilité de notre pays. Il s’avère donc urgent et impérieux d’y apporter une réponse à la fois vigoureuse et appropriée. (…) Parallèlement à la sensibilisation des citoyens, le gouvernement, en tant que de besoin, pourra recourir à la législation en vigueur afin d’amener les auteurs des discours de haine à répondre de leurs actes devant la justice », a annoncé le ministre de la Communication (Mincom), René Emmanuel Sadi, lors d’une conférence de presse organisée le 17 mai dernier à Yaoundé, à la veille de la Fête nationale célébrée cette année sous le signe de la sauvegarde de la paix et de l’unité nationale.
Au cours de cette conférence, le porte-parole du gouvernement a tenu à rappeler aux contrevenants que les discours de haine sont réprimés par la loi. Il a notamment cité l’article 241-1 (nouveau) du Code pénal qui punit d’un emprisonnement d’un à deux ans et d’une amende de 300 000 à 3 millions de FCFA celui qui, par quelque moyen que ce soit, tient des discours de haine ou procède aux incitations à la violence contre des personnes en raison de leur appartenance tribale ou ethnique. « Lorsqu’il y a infraction, il y aura sanction. Il faudrait que les gens sachent que les contrevenants n’ont qu’à bien se tenir », a prévenu son collègue de l’Administration territoriale (Minat), Paul Atanga Nji, pour qui le discours de haine est une « grave menace » à l’unité nationale.
Le Minat a notamment indexé les hommes politiques accusés d’inciter à la haine, à l’intolérance et à la violence. « Il y a des hommes politiques qui veulent obtenir par la rue ce qu’ils sont incapables d’obtenir par les urnes, et ils créent des officines par derrière pour instiguer ce type de discours haineux où on dresse les Camerounais les uns contre les autres, les tribus contre les autres, les communautés contre les autres », a-t-il dit.
Eu égard à la dimension que ce phénomène est en train de prendre et au péril qu’il fait planer sur la vie nationale, le gouvernement appelle au sens de responsabilité de tous et de chacun, notamment des médias. « Les hommes de média doivent nous aider dans ce combat contre ces discours de haine, xénophobie et tribalisme. Mais lorsque vos plateaux de télévision servent de vecteur de propagation de tous ces faits que nous récriminons, je crois que vous ne serez pas loin d’être taxés de complices ou de coauteurs. Donc, chacun devra savoir ce qu’il y a lieu de faire. Je voudrai dire clairement que fort de notre législation, les autorités administratives chargées du maintien de l’ordre vont recevoir certaines indications pour gérer certains problèmes », a déclaré Paul Atanga Nji face aux journalistes.
Il a rappelé que les peines sont doublées et que les circonstances atténuantes ne sont pas admises quand il s’agit des responsables politiques et des hommes de média. Sur les réseaux sociaux et les plateaux de télévision notamment, les sujets d’actualité politique, sportive ou culturelle virent souvent aux insultes et au dénigrement de certains groupes ethniques. Le gouvernement multiplie les stratégies pour combattre ce fléau, à travers notamment la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme (CNPBM) dont les missions sont de maintenir la paix, de consolider l’unité nationale du pays et de renforcer la volonté et la pratique quotidienne du vivre-ensemble.
Sbbc