L’apaisement affiché il y a quinze jours à Bruxelles n’aura été qu’une trêve éphémère. La conférence de soutien à la paix dans la région des Grands Lacs, organisée à Paris le 30 octobre, a au contraire ravivé l’affrontement diplomatique entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. Devant Emmanuel Macron et une soixantaine de délégations internationales, les représentants des deux pays se sont livrés à une passe d’armes verbale qui enterre toute perspective de dialogue immédiat.
Le président congolais Félix Tshisekedi a profité de cette tribune internationale pour accuser frontalement Kigali de soutenir “sur les plans logistique, financier et opérationnel” le mouvement rebelle AFC/M23. Il a invoqué la résolution 2773 du Conseil de sécurité de l’ONU, qu’il a qualifiée d'”impératif juridique et politique”, exigeant son application immédiate. Le chef de l’État congolais a appelé tous les partenaires présents à soutenir “clairement et sans ambiguïté” le retrait du M23 des zones occupées et le départ des “forces étrangères non invitées” du territoire congolais.
Cette crise s’inscrit dans un cycle de tensions récurrentes entre les deux pays depuis près de trente ans. L’est de la RDC reste le théâtre de conflits complexes où se mêlent enjeux ethniques, lutte pour le contrôle des ressources minières et influences régionales. Le Rwanda, régulièrement accusé par l’ONU et les organisations internationales de soutenir les rebelles du M23, justifie ses interventions par la nécessité de protéger ses frontières contre des groupes armés hostiles. Les multiples processus de paix, de Luanda à Nairobi, n’ont jusqu’ici apporté que des solutions temporaires.
Les perspectives de résolution rapide du conflit apparaissent compromises. Les deux processus diplomatiques en cours, à Washington et à Doha, connaissent des blocages significatifs. La question humanitaire, notamment la réouverture de l’aéroport de Goma, est devenue un sujet de discorde supplémentaire. Les observateurs s’accordent sur une probable prolongation de l’impasse, les positions semblant se durcir de part et d’autre malgré la pression internationale.
L’annonce par Emmanuel Macron de la réouverture prochaine de l’aéroport de Goma a immédiatement suscité des réactions contrastées. Le M23 a qualifié cette initiative “d’inopportune”, tandis que Kigali a estimé que la question devait être traitée à Doha plutôt qu’à Paris. Dans les cercles diplomatiques, on évoque désormais un calendrier de plusieurs mois plutôt que de quelques semaines pour une éventuelle reprise des vols humanitaires.
Plusieurs alternatives sont actuellement à l’étude pour pallier la fermeture de l’aéroport de Goma. Des vols humanitaires légers, utilisant des hélicoptères, des petits avions ou même des drones cargo, constituent une piste privilégiée. L’utilisation temporaire de l’aéroport de Gisenyi au Rwanda ou de celui de Bukavu en RDC est également discutée. Cependant, ces solutions techniques se heurtent à des considérations politiques, le M23 affirmant qu’il n’existe plus d’urgence humanitaire dans les zones sous son contrôle.
La conférence de Paris aura surtout mis en lumière la profonde défiance entre les parties. Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a dénoncé un exercice déséquilibré où le président congolais aurait eu toute latitude pour formuler des accusations contre le Rwanda. Cette nouvelle passe d’armes diplomatique laisse présager une intensification des tensions sur le terrain, où les affrontements ont déjà repris, malgré les efforts de médiation internationale.



