Le président libérien Joseph Boakai a présenté, samedi 5 juillet à Monrovia, des excuses officielles au nom de l’État pour les violences commises pendant les deux guerres civiles qui ont ravagé le pays entre 1989 et 2003. S’adressant aux victimes et à leurs familles lors d’une cérémonie de réconciliation, il a reconnu la responsabilité de l’État dans les souffrances infligées à la population, évoquant les centaines de milliers de vies brisées et les traumatismes toujours présents.
Dans un discours sobre mais solennel, Boakai a déclaré : « À chaque victime de notre guerre civile, à chaque famille brisée, à chaque rêve fracassé, nous disons : nous en sommes désolés. » Il a reconnu que l’État aurait pu et dû faire davantage pour protéger ses citoyens, et a affirmé sa volonté de s’assurer qu’un tel drame ne se reproduise jamais. Cette prise de parole intervient peu après qu’il a assisté à un hommage rendu aux anciens présidents Samuel Doe et William Tolbert, morts dans des circonstances violentes liées à ces conflits.
Les guerres civiles libériennes, qui ont fait environ 250 000 morts, ont été marquées par des massacres de civils, des viols systématiques, l’usage d’enfants soldats, et des pratiques de mutilation généralisées. Malgré ces crimes massifs, aucun tribunal national n’a encore été mis en place pour juger les auteurs présumés. La Commission vérité et réconciliation, instaurée en 2005, avait pourtant recommandé dès 2009 la création d’une juridiction spéciale. Mais cette proposition est restée lettre morte, en partie à cause de l’influence politique persistante de certains anciens chefs de guerre.
Cette inertie judiciaire a renforcé une culture de l’impunité que dénoncent de longue date les défenseurs des droits humains. « Tant que l’on ne résout pas la question des crimes commis pendant la guerre civile, cette impunité va continuer de se développer », rappelait récemment le militant Adama Dempster. Un tournant semble néanmoins amorcé : en avril 2024, le Sénat libérien a voté à l’unanimité un texte en faveur de la création d’un tribunal pour les crimes des guerres civiles, rejoignant ainsi un vote antérieur des députés.
Sur le terrain international, plusieurs anciens chefs de guerre libériens sont poursuivis par des juridictions étrangères. L’ONG Civitas Maxima a notamment engagé des procédures en Suisse, en France et en Finlande. Ces initiatives sont parfois les seules à offrir une forme de justice aux victimes, alors même que certains responsables, comme Prince Johnson – décédé en 2024 – étaient toujours actifs en politique nationale.
Le président Boakai, ancien allié de Prince Johnson, semble désormais prêt à rompre avec cet héritage pesant. Il a appelé à « mettre en œuvre les recommandations clés de la Commission vérité et réconciliation », soulignant que la mémoire des violences reste vive dans toutes les couches de la société. Si ses excuses marquent un geste fort sur le plan symbolique, l’enjeu central reste l’établissement d’un mécanisme judiciaire crédible et indépendant, capable de rendre justice sans menacer la paix fragile du pays.