La Guinée-Bissau est plongée dans une nouvelle crise politique, survenue la semaine dernière. Les forces armées ont procédé à l’arrestation de ministres dans les locaux de la police, conduisant le président Umaro Sissoco Embalo à déclarer une “tentative de coup d’État” et à dissoudre l’Assemblée nationale. Cependant, les événements suscitent des questions quant à la véritable nature de la menace pesant sur le pouvoir et s’il s’agit d’une manœuvre opportuniste du président pour consolider sa position face à l’opposition.
Selon Vincent Foucher, chercheur au CNRS spécialisé dans la Guinée-Bissau, l’incident ne correspond pas aux critères d’un coup d’État traditionnel. La garde nationale aurait agi pour libérer des membres du gouvernement impliqués dans des affaires de détournement, sans chercher à prendre le contrôle du pays. Cette nuance remet en question la qualification de “coup d’État” avancée par le président Embalo.
La crise actuelle semble s’inscrire dans le prolongement du long bras de fer entre le président Embalo et le parti PAIGC, au pouvoir. L’arrestation des ministres, ordonnée par le procureur de la République nommé par le président, s’inscrit dans une lutte de pouvoir entre le président et le gouvernement contrôlé par le PAIGC, exacerbée par les tensions constitutionnelles.
La décision du président de dissoudre le Parlement suscite des débats juridiques, avec le président du Parlement qualifiant l’acte de “coup d’État constitutionnel”. La constitution bissau-guinéenne interdit pourtant la dissolution de l’Assemblée nationale durant les douze premiers mois suivant son élection, une période qui n’est pas encore écoulée. La bataille juridique qui s’annonce pourrait être déterminante pour l’avenir politique du pays.
Alors que la crise politique s’intensifie, l’armée guinéenne se positionne comme un acteur clé. Depuis le coup d’État de 2012, l’armée a compris les complexités de prendre directement le pouvoir. Elle exerce une influence indirecte en soutenant différents acteurs politiques, notamment le président Embalo. Les récentes interventions de l’armée montrent qu’elle cherche à protéger ses intérêts et à maintenir une certaine stabilité politique.
Les affinités politiques au sein de l’armée demeurent floues, mais le président Embalo jouit d’un pouvoir particulier dans la désignation des chefs militaires. Une alliance structurelle semble lier l’armée au président, tandis que des luttes factionnelles internes pourraient influencer les événements à venir. Bien que l’incursion violente de l’armée reste une possibilité, les leçons tirées du passé suggèrent une préférence pour une influence politique indirecte. La situation demeure complexe et incertaine quant à son évolution.