L’opposition bissau-guinéenne, regroupée à Dakar, lance un appel pressant à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Elle exige que l’organisation régionale fasse preuve de la même fermeté déployée récemment au Bénin pour condamner le coup d’État du 26 novembre en Guinée-Bissau et rétablir l’ordre constitutionnel.
Lors d’une réunion tenue mardi 9 décembre aux côtés de la société civile sénégalaise, ces acteurs politiques en exil ont formulé une demande précise. Ils estiment que la Cédéao, lors de son sommet extraordinaire prévu le 14 décembre, doit encore pouvoir proclamer les résultats de l’élection présidentielle. Pour eux, cet acte symbolique et juridique permettrait de reconnaître la victoire de leur candidat, Fernando Dias da Costa, et d’invalider la prise de pouvoir par la force.
Cet appel intervient dans un contexte de fragilité chronique en Guinée-Bissau, un pays marqué par une instabilité politique endémique depuis son indépendance. Le coup d’État du 26 novembre n’est que le dernier épisode d’une longue série de putschs et de crises institutionnelles. Il a interrompu un processus électoral déjà tumultueux, plongeant le pays dans une incertitude qui inquiète ses voisins, notamment le Sénégal, historiquement sensible aux soubresauts bissau-guinéens.
La crédibilité de la Cédéao est directement mise en balance. L’organisation vient en effet de réagir avec une célérité remarquée face à une tentative de putsch au Bénin, en annonçant le déploiement immédiat de sa force en attente. Son approche à l’égard de la Guinée-Bissau sera donc scrutée comme un test de cohérence et de détermination. Une réponse jugée trop molle pourrait être perçue comme un signal de faiblesse ou d’inconstance, susceptible d’encourager d’autres velléités de prise de pouvoir illégale dans la sous-région.
Dara Fonseca Fernandez, membre de la direction de campagne de Fernando Dias da Costa, réfugié à Dakar, défend une solution précise. Il écarte toute intervention militaire massive. “Il suffit juste d’une résolution claire de la Cédéao et sa mise en application”, affirme-t-il, proposant que les troupes régionales escortent le président élu jusqu’au palais présidentiel et contraignent le chef de la junte, le général Horta N’tam, à regagner les casernes.
La société civile sénégalaise, solidaire de cet appel, pointe un risque de “deux poids, deux mesures”. Abdou Aziz Cissé, de l’organisation Africtivistes à Dakar, souligne cette contradiction potentielle : “On ne peut pas condamner de manière forte un coup d’État au Bénin et (valider) un autre coup d’État dans un autre pays de la communauté.” Cet argument place la Cédéao face à ses propres principes et à la nécessité d’une application uniforme de ses protocoles sur la démocratie et la bonne gouvernance.
Malgré la destruction de procès-verbaux par des hommes armés le jour du putsch, l’opposition et ses soutiens maintiennent qu’une base légale existe pour valider le scrutin. Ils affirment pouvoir s’appuyer sur des copies des résultats disponibles au niveau des régions. Cette affirmation technique vise à contrer tout prétexte invoquant l’irrégularité du processus pour justifier l’inaction, et à obliger la Cédéao à se positionner sur le fond : la légitimité issue des urnes face à la force brute.



