L’Assemblée nationale centrafricaine a voté, le 26 mai, une nouvelle loi sur la liberté de la presse et de la communication. Présenté par le ministère de la Communication en partenariat avec quelques organisations de médias, ce texte a suscité de vives protestations. Plusieurs journalistes dénoncent un retour en arrière, notamment avec la réintroduction du délit de presse, supprimé auparavant.
Les professionnels des médias pointent du doigt des articles spécifiques : 151, 130, 193 et 140. Ces dispositions réintroduisent des sanctions pénales contre les journalistes et leurs responsables éditoriaux, jusqu’à leur directeur de publication. Selon Belisaire Dorval Sahoul, rédacteur en chef d’Afrique en plus, « c’est une stratégie pour museler la presse » et « menacer les sources d’information ». L’inquiétude est d’autant plus vive que le législateur pourra désormais retirer l’autorisation de publication ou de diffusion en cas de désaccord.
La Centrafrique n’est pas étrangère aux pressions exercées sur les médias. Depuis plusieurs années, les journalistes opèrent dans un climat marqué par des tentatives de contrôle et d’intimidation. Si la dépénalisation du délit de presse avait été perçue comme une avancée, cette nouvelle loi marque un revirement, renforçant les craintes d’un recul démocratique.
Maxime Balalou, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, défend le texte en expliquant qu’il s’agit d’« un cadre juridique pour permettre l’émancipation du métier de journaliste ». Pour lui, cette loi vise à encadrer des « communications qui créent des distorsions dans la société ». Pourtant, les critiques dénoncent un flou juridique et un potentiel outil de censure, qui pourrait fragiliser l’indépendance des médias.
Avant la promulgation ou non de cette loi prévue dans les quinze jours, le président Faustin-Archange Touadéra rencontrera les professionnels des médias le 31 mai. Ce déjeuner presse pourrait offrir une dernière occasion d’ajuster le texte et d’apaiser les tensions. Mais beaucoup redoutent que cette rencontre ne soit qu’une formalité, et que les inquiétudes des journalistes restent lettre morte.
Ce vote intervient dans un contexte où la liberté de la presse est de plus en plus menacée dans plusieurs pays africains. La Centrafrique pourrait suivre cette tendance, réduisant les espaces d’expression libre. Des témoignages font déjà état d’autocensure croissante dans les rédactions. Si cette loi est promulguée sans modification, elle risque de graver dans le marbre un recul inquiétant pour le journalisme centrafricain.