Un groupe de scientifiques africains s’engage résolument à combler le fossé qui sépare le continent des avancées en génomique. Lors du sommet de la Human Genome Organisation (HUGO) qui s’est tenu récemment à Durban, les experts ont mis en lumière l’importance capitale de la diversité génétique africaine, un élément encore trop négligé dans les recherches mondiales. Bien que l’Afrique représente un réservoir unique de variations génétiques, sa population constitue moins de 2% des séquençages de génomes humains réalisés à travers le monde. Pour les chercheurs, cette sous-représentation constitue un frein majeur à la médecine de précision et à l’avancée de la recherche scientifique.
Ambroise Wonkam, généticien camerounais, exprime la frustration des chercheurs africains en soulignant l’injustice de la situation. En effet, il explique que le manque de données génétiques spécifiques aux populations africaines empêche de poser des diagnostics efficaces pour les maladies génétiques qui touchent particulièrement le continent. Son expérience personnelle démontre l’ampleur du problème : alors qu’en Suisse il pouvait expliquer l’origine d’une surdité avec des mutations génétiques précises, les enfants africains qu’il a étudiés ne présentaient aucune mutation dans ces mêmes gènes. Cette absence de connaissances adaptées aux réalités génétiques africaines met en lumière les limites des approches actuelles.
Le problème de la sous-représentation de l’Afrique dans les études génomiques trouve ses racines dans l’histoire des recherches scientifiques. Jusqu’à présent, les bases de données génétiques étaient principalement alimentées par des populations d’origine européenne. Cette situation s’explique par le coût et les ressources nécessaires à la réalisation des séquençages, souvent hors de portée des pays africains. Le manque de financement et d’infrastructures adéquates explique en grande partie pourquoi les recherches génétiques sur le continent africain ont été négligées. Or, cette négligence représente un obstacle non seulement pour l’Afrique, mais aussi pour la médecine mondiale.
Des initiatives récentes offrent un espoir de changement. Des projets comme H3Africa, soutenu par des financements américains et britanniques, ont permis de financer des recherches sur le continent et de collecter des données génétiques africaines. Le lancement de projets ambitieux en Afrique du Sud et au Nigéria, visant à séquencer des milliers de génomes, marque un tournant pour la recherche génétique africaine. Ces projets ont pour objectif de combler le vide de données en favorisant l’implication des chercheurs locaux. La création de centres de séquençage en Afrique, comme l’ambitionne Ambroise Wonkam avec ses collègues, pourrait bien révolutionner l’étude des génomes africains.
Cependant, le chemin reste semé d’embûches. Les ambitions des chercheurs africains sont souvent freinées par des problèmes de financement et par des enjeux politiques. Le projet de création de centres d’excellence pour le séquençage génétique sur le continent pourrait être perturbé par des tensions géopolitiques, notamment autour du choix du Rwanda comme centre de coordination, en raison de sa situation politique délicate. Malgré ces défis, les scientifiques africains poursuivent leurs efforts pour garantir que la diversité génétique du continent soit correctement représentée dans les bases de données mondiales.
Les découvertes génétiques en Afrique pourraient avoir des retombées bien au-delà du continent. Les recherches sur des maladies telles que la drépanocytose, ou des mutations génétiques permettant de contrôler la progression du VIH, illustrent l’impact potentiel de l’étude génomique africaine sur la santé mondiale. Les avancées dans la génomique permettront non seulement de mieux comprendre les maladies génétiques, mais aussi de développer des traitements adaptés à des populations spécifiques. Le défi, selon les chercheurs, est de ne pas rater cette occasion d’inclure pleinement l’Afrique dans les découvertes futures.
Malgré les défis considérables, l’engagement des scientifiques africains dans la recherche génomique est une avancée significative. L’objectif est désormais de rendre l’Afrique acteur principal de cette révolution scientifique, en garantissant que ses populations ne soient plus laissées pour compte. Si la route est encore longue, les progrès réalisés ces dernières années offrent un optimisme certain pour l’avenir.