Les autorités nigériennes ont déclaré ce jeudi 19 juin la nationalisation de la Société des mines de l’Aïr (Somaïr), une filiale du groupe français Orano spécialisée dans l’extraction d’uranium. Cette décision officialise la perte de contrôle d’Orano sur la société, déjà évincée de la gestion opérationnelle depuis plusieurs mois, dans un contexte de rupture profonde entre Niamey et Paris.
Depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, qui a renversé le président Mohamed Bazoum, les relations entre la France et le Niger se sont progressivement dégradées. Dès décembre, Orano avait reconnu ne plus exercer de contrôle effectif sur ses trois filiales minières dans le pays : Cominak, Imouraren et Somaïr. Bien qu’Orano en conservait encore la majorité du capital, ces entreprises étaient devenues de facto inaccessibles à la direction du groupe, qui avait alors saisi des instances internationales d’arbitrage.
La situation s’est envenimée en mai dernier lorsqu’une perquisition menée dans les locaux de la Somaïr par les forces de sécurité nigériennes s’est soldée par la confiscation de matériel informatique et l’arrestation du directeur local, dont Orano affirme être sans nouvelles. L’entreprise française avait alors dénoncé une arrestation arbitraire et saisi la justice nigérienne, en vain. Ces événements ont marqué un point de non-retour dans les relations entre les deux parties.
Selon la télévision nationale RTN, la nationalisation de la Somaïr intervient en réponse au « comportement irresponsable, illégal et déloyal » d’Orano, qualifiée d’« émanation de l’État français, ouvertement hostile au Niger ». Le gouvernement nigérien affirme que l’intégralité des actifs et actions de la société sont désormais transférés à l’État. Une compensation est toutefois annoncée pour les anciens actionnaires, sans que les modalités précises n’aient été détaillées.
Cette prise de contrôle marque un changement majeur dans la politique minière du Niger, qui détient les plus importantes réserves d’uranium d’Afrique. Elle illustre aussi la volonté du gouvernement de rompre avec les anciens partenariats stratégiques au profit d’alliances alternatives, notamment avec la Russie ou la Chine. Le message envoyé est clair : Niamey veut affirmer sa souveraineté économique et politique, quitte à se heurter aux intérêts de puissances occidentales.
Sur le plan légal, cette nationalisation ouvre la voie à une série d’affrontements devant les tribunaux internationaux, Orano ayant déjà lancé des procédures d’arbitrage. Mais au-delà du contentieux juridique, c’est la stabilité de l’environnement des affaires au Niger qui est mise à l’épreuve. Plusieurs analystes craignent que cette décision ne refroidisse durablement l’appétit des investisseurs étrangers, en particulier dans le secteur stratégique des ressources naturelles.