Réuni les 20 et 21 juin à Abuja, le premier Sommet économique de l’Afrique de l’Ouest s’est tenu sans les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), ni la Mauritanie. Ce rendez-vous, pourtant conçu pour relancer la coopération économique régionale, a surtout mis en lumière les tensions et le manque de coordination persistants au sein de la CEDEAO.
Le président nigérian Bola Tinubu a ouvertement critiqué le faible volume des échanges intra-africains dans la région, appelant à une coopération plus efficace et à des résultats concrets. Le président béninois Patrice Talon, lui, a dénoncé l’inertie de la CEDEAO, malgré l’existence d’une volonté politique commune : « Ce n’est pas la volonté qui nous manque, mais nous ne parvenons pas à faire aboutir nos idéaux », a-t-il regretté.
Ce sommet intervient dans un contexte de fracture profonde entre les États membres. Depuis les coups d’État successifs au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les relations entre les pays de l’AES et la CEDEAO se sont nettement dégradées. Les régimes militaires de ces trois pays, désormais réunis dans une alliance sécuritaire et politique, ont boycotté la rencontre. La Mauritanie, quant à elle, a décliné l’invitation sans en préciser les raisons. Résultat : le projet d’intégration régionale apparaît de plus en plus fragmenté.
L’exclusion ou le désengagement de plusieurs pays-clés risque de limiter la portée des décisions prises à Abuja. Sans participation de l’ensemble des économies ouest-africaines, toute ambition de relance commerciale ou de construction d’un marché commun reste incomplète. Les appels à une réforme de la CEDEAO pourraient, cependant, ouvrir la voie à une redéfinition de son rôle et de ses mécanismes d’action dans un environnement politique en mutation.
Malgré ces absences notables, le sommet a permis aux chefs d’État et ministres présents de réaffirmer leur attachement à l’unité économique de la région. Le Nigeria, le Bénin, le Ghana, la Côte d’Ivoire et d’autres pays ont convenu de renforcer leurs échanges bilatéraux et de simplifier les procédures douanières. Mais ces engagements, pour l’instant théoriques, ne suffiront pas sans une dynamique inclusive.
Ce sommet d’Abuja marque-t-il la naissance d’une CEDEAO à géométrie variable ? Alors que l’AES continue de se structurer en dehors du cadre communautaire classique, la CEDEAO semble contrainte de repenser son modèle. Si elle veut préserver sa pertinence, elle devra rapidement résoudre ses blocages internes et rétablir le dialogue avec les États aujourd’hui en rupture. Faute de quoi, l’intégration régionale risque de s’enliser davantage.