Alors qu’il avait été discrètement transféré, pour « raisons de santé », dans un hôpital privé de Khartoum après le putsch du général Abdel Fattah al-Burhan en octobre 2021, l’ex-leader soudanais Omar el-Béchir doit retourner en prison selon une décision des autorités judiciaires de mercredi 9 novembre. Sous pression, la junte soudanaise semble vouloir durcir le ton contre l’ancien régime islamiste, en pleine négociation avec de partis civils pour une sortie de crise politique.
Depuis une dizaine de mois, Omar el-Béchir ne comparaissait plus devant le tribunal chargé de juger les commanditaires du coup d’État de 1989. C’est à cette date que le colonel, soutenu par le mouvement islamiste soudanais, s’était emparé du pouvoir et a ensuite régné avec une main de fer pendant 30 ans.
Sous prétexte de dégradation de son état de santé, ses avocats avaient finalement obtenu son transfert à l’hôpital al-Alya, un établissement privé de l’armée soudanaise. Cela après avoir été incarcéré à sa destitution par l’armée, en avril 2019.
Les avocats des parties civiles avaient alors dénoncé un « rapport médical falsifié », car plusieurs vidéos devenues virales montraient Omar el-Béchir en bonne santé dans les couloirs de l’hôpital. Son retour en prison « est une juste décision », se félicite l’avocat Moez Hazrat qui espère que les audiences en présence du principal accusé vont pouvoir reprendre.
Il y retourne en compagnie de plusieurs cadres du régime islamiste, notamment l’ancien vice-président Bakri Hassan Saleh, l’ancien ministre de l’Intérieur et chef du parti du Congrès populaire Ali al-Haj ainsi qu’un autre leader islamiste, Ibrahim al-Sanosi.
Cette décision fait suite au discours du général al-Burhan dimanche 6 novembre qui a frontalement taclé les partisans du régime islamiste, les mettant en garde contre toute tentative d’utiliser l’armée pour revenir au pouvoir.
Tour de vis en vue d’une sortie de crise politique ?
« Est-ce la fin de la lune de miel entre les islamistes et l’armée soudanaise ? », s’interrogeait jeudi 10 novembre le journal Sudan Tribune. Beaucoup de Soudanais sont sceptiques alors que depuis un an, la junte a réhabilité de nombreux partisans de l’ancien régime, dans les administrations notamment.
Mais ces jours-ci, les militaires tentent de faire bonne figure. Un an après le putsch, l’armée négocie avec une coalition de partis civils, sous pression des chancelleries occidentales et régionales : un accord est proche, indiquent de nombreuses sources. Reste à savoir quelles seront les conditions précises du retrait des militaires de la scène politique.
Le pays est plongé dans l’impasse, une économie au bord du gouffre, sans gouvernement depuis un an et face à une situation sécuritaire qui se dégrade dans plusieurs régions du pays. Et dans les rues du Soudan, la pression contre la junte se poursuit : des nouvelles manifestations ont eu lieu jeudi 10 novembre dans les grandes villes du pays.