(Investir au Cameroun) – Le département de la Justice américaine et le bureau britannique d’investigations sur les fraudes ont publié le 24 mai des communiqués révélant que le trader anglo-suisse Glencore a plaidé coupable d’avoir usé de pots-de-vin, pour obtenir des contrats pétroliers dans plusieurs pays dans le monde, dont au Cameroun.
« Entre 2007 et 2018 environ, Glencore et ses filiales ont payé environ 79,6 millions de dollars de paiements à des sociétés intermédiaires afin d’obtenir des avantages indus: pour obtenir et conserver des contrats avec des entités publiques et contrôlées par l’État dans les pays d’Afrique de l’Ouest: Nigeria, Cameroun, Côte d’Ivoire et Guinée équatoriale. Glencore a dissimulé les paiements de pots-de-vin en concluant de faux accords de conseil ; en payant des factures gonflées et en utilisant des sociétés intermédiaires pour effectuer des paiements corrompus à des fonctionnaires étrangers », révèle la Justice américaine.
En ce qui concerne le Cameroun, apprend-on, un avocat de la multinationale a déjà déclaré la veille de la plaidoirie que la société plaiderait coupable d’accusations de corruption, y compris le paiement de pots-de-vin d’environ 7 milliards de FCFA pour inciter des responsables de la Société nationale des hydrocarbures (SNH) et de la Société nationale de raffinage (Sonara) afin de favoriser les opérations de Glencore au Cameroun.
Ces révélations ont amené Me Akere Muna, l’ex-bâtonnier de l’Ordre des avocats du Cameroun et ancien vice-président de Transparency Interantional, à saisir, le 27 mai, le président de la Commission nationale anti-corruption (Conac) pour dénoncer l’aveu de pratiques de corruption de Glencore Plc et les conséquences sur la SNH et la Sonara. « J’ai l’honneur de porter à votre attention, pour action urgente, une information publiée par le Financial Times de Londres révélant le fait qu’une société étrangère va plaider coupable à des accusations de pots-de-vin et de corruption. En tant qu’activiste engagé dans la lutte contre la corruption depuis plus de deux décennies, je suis depuis 2018 les enquêtes lancées dans le Département de la Justice américaine contre Glencore Plc », écrit Akere Muna.
Akere Muna conclut sa correspondance en « implorant la Conac de monter une enquête des plus robustes sur cette sordide affaire qui implique deux des plus importantes entreprises publiques du Cameroun ».
Soupçons lointains
Dans un rapport intitulé « Les traders suisses, le pétrole africain et les risques d’opacité », publié le 20 juillet 2014, un groupe de trois organisations constituées de la Déclaration de Berne, Swissaid et du Natural Resource Governance Institute (US), a révélé que trois traders suisses (Glencore, Vitol et Gunvor) ont acheté, au cours de l’année 2013, près de 50 % de la production pétrolière camerounaise revenant à la SNH. « Ces achats ont abouti au paiement à l’État camerounais, de près de 600 millions de dollars (environ 300 milliards de FCFA), représentant 12 % des recettes de l’État », indique le rapport.
Toutefois, les auteurs du rapport font remarquer que les transactions effectuées par ces firmes helvétiques « présentent d’importants risques de gouvernance, puisqu’elles se produisent dans des contextes caractérisés par des institutions faibles et une corruption endémique ». En dépit de leur importance, apprend-on du rapport, ces ventes échappent à toute régulation et ne profitent pas comme elles le devraient aux populations concernées. D’autant plus que ces sociétés de négoce contribuent en outre à rendre ces transactions opaques.
Fort de ce constat, les rapporteurs ont recommandé aux « gouvernements des pays africains producteurs de pétrole et aux compagnies pétrolières publiques, de se doter de normes encourageant l’intégrité dans le choix des acheteurs et la détermination du prix de vente, en incluant la publication du détail des ventes de la part étatique du pétrole ».