Les pays riches, responsables historiques des émissions de gaz à effet de serre, ont une dette climatique colossale de 36 000 milliards de dollars envers l’Afrique. Cette somme, révélée par l’ONG ActionAid dans un rapport de février 2025, souligne les injustices financières exacerbées par la crise climatique. Selon le rapport intitulé “Who Owes Who ? External debts, climate debts and reparations in the Jubilee Year”, les pays du Nord, ayant pollué l’atmosphère, profitent des effets de cette crise, tandis que les nations africaines, déjà fragilisées par une dette extérieure croissante, subissent le fardeau de cette injustice climatique.
Le rapport indique que de nombreux pays africains, tout en étant responsables d’une faible part des émissions mondiales, se trouvent contraints d’emprunter d’importantes sommes d’argent pour financer leurs actions climatiques. Cependant, ces prêts sont accordés à des taux d’intérêt exorbitants : en Afrique, les taux moyens atteignent 9,8 %, bien plus élevés que les 0,8 % appliqués à l’Allemagne. Paradoxalement, les pays africains empruntent pour financer des initiatives climatiques dont ils sont les victimes, exacerbant ainsi leur crise de la dette. Cette dette climatique, qui devrait être une forme de réparation de la part des pollueurs, se transforme en un fardeau supplémentaire pour des pays déjà économiquement vulnérables.
Le concept de dette climatique repose sur une injustice fondamentale : les pays riches, responsables des deux tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ont non seulement pollué l’atmosphère au détriment des pays du Sud, mais ont aussi dérivé les bénéfices économiques de cette pollution. Depuis l’adoption de la Convention des Nations Unies sur le climat en 1992, les pays africains ont vu leurs émissions réduites tout en payant un prix élevé pour la crise. À ce jour, la compensation des émissions excédentaires des pays riches est largement insuffisante, et les promesses de financement climatique, comme celles formulées lors de l’Accord de Paris en 2015, sont loin d’être tenues.
Les perspectives de remboursement de cette dette climatique restent incertaines. Selon les projections, pour rembourser les dettes climatiques des pays riches, un transfert annuel de 4 000 milliards de dollars serait nécessaire d’ici 2050, dont 1 400 milliards de dollars pour l’Afrique seule. Cet argent serait destiné à financer les mesures d’adaptation au changement climatique sur le continent, notamment face à une urbanisation rapide et des conditions environnementales de plus en plus extrêmes. Si ces financements ne sont pas mis en place de manière systématique et sous forme de subventions, l’écart entre les pays riches et les pays en développement pourrait se creuser davantage.
Les engagements pris lors de la COP29 en 2024, visant à porter le financement climatique à 300 milliards de dollars par an, se heurtent à un problème majeur : la majeure partie des fonds sont fournis sous forme de prêts, et non de subventions, alourdissant ainsi la dette des pays en développement. Le rapport d’ActionAid préconise une nouvelle convention-cadre des Nations Unies sur la dette, en remplacement de l’architecture actuelle dominée par le FMI. Cela permettrait de structurer un mécanisme plus juste, qui lie l’annulation de la dette au paiement de la dette climatique des pays riches, et d’assurer un financement pérenne et équitable pour l’adaptation des pays africains au changement climatique.
Afin de remédier à cette injustice, le rapport recommande à l’Union africaine et aux pays du Sud de s’unir pour plaider en faveur de l’annulation de la dette climatique des pays riches et de créer un cadre financier alternatif. La mise en place d’une telle convention permettrait non seulement de réduire la pression financière sur les pays africains, mais aussi de garantir qu’ils puissent enfin se défendre contre les effets dévastateurs du changement climatique, pour lesquels ils ne sont en aucun cas responsables. Une approche solidaire et réparatrice, inscrite dans un cadre international équitable, semble désormais indispensable pour garantir un avenir résilient et juste face à la crise climatique mondiale.