La récente décision de Donald Trump de retirer les États-Unis de l’accord mondial sur la taxation minimale de 15 % des multinationales suscite des inquiétudes majeures pour les économies africaines. Cette mesure, annoncée dès son investiture, menace de réduire considérablement les recettes fiscales des pays du continent, exacerbant ainsi les défis financiers liés à l’évasion fiscale.
Signé sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2021 par 140 pays, cet accord visait à imposer un impôt minimal mondial sur les multinationales. Il devait garantir qu’aucune entreprise ne puisse échapper à ses obligations fiscales en transférant ses bénéfices vers des paradis fiscaux. Cependant, en annulant l’engagement américain, Trump a jugé cet accord contraire aux intérêts économiques des États-Unis, déclarant que la « souveraineté nationale » devait primer.
Depuis plusieurs décennies, l’Afrique est particulièrement vulnérable aux pratiques d’optimisation fiscale des multinationales, qui transfèrent leurs bénéfices vers des juridictions à faible taxation. Selon une étude de la CNUCED publiée en 2020, ces flux financiers illicites coûtent au continent environ 88,6 milliards de dollars par an, dont une large part est attribuable à l’évasion fiscale. Ces pertes limitent les capacités des États africains à investir dans des secteurs clés comme l’éducation, la santé et les infrastructures.
Face au retrait des États-Unis, le continent africain pourrait jouer un rôle central dans la refonte d’un système fiscal mondial plus équitable. La résolution introduite par le Nigeria au sein des Nations Unies, visant à lancer des négociations pour une convention-cadre sur la coopération fiscale, pourrait offrir une alternative plus inclusive que l’accord de l’OCDE. Ces négociations, prévues pour février prochain, permettront peut-être de combler les lacunes laissées par le désengagement américain.
Les revenus attendus de l’impôt minimal mondial, estimés entre 155 et 192 milliards de dollars par an, pourraient offrir un souffle financier crucial pour les économies africaines. L’ISS Africa souligne que l’absence des États-Unis affaiblit les efforts mondiaux visant à garantir une taxation juste et efficace des multinationales. Les pays africains devront donc redoubler d’efforts pour contrer les pratiques d’évasion fiscale et protéger leurs bases fiscales.
Si le retrait américain complique l’application de l’accord, il pourrait également renforcer la mobilisation africaine autour de la lutte contre l’évasion fiscale. Comme l’a souligné Alex Cobham, directeur général de Tax Justice Network, l’implication croissante de l’Afrique dans les discussions fiscales internationales pourrait aboutir à des solutions durables, capables de répondre aux besoins spécifiques des pays en développement. Reste à voir si une coopération mondiale émergera pour pallier ce retrait unilatéral.