À Madagascar, les professionnelles du sexe ont décidé de briser le silence. Lors d’un festival dédié aux droits des femmes, organisé à Antananarivo le 21 février, des prostituées de la capitale ont partagé publiquement les violences qu’elles subissent et les conditions de travail auxquelles elles sont confrontées. Ces témoignages, rares et poignants, ont mis en lumière la réalité difficile de ce métier encore largement stigmatisé dans le pays.
Les prostituées malgaches, bien que le métier ne soit pas illégal, subissent un profond mépris de la part de la société. Beaucoup de femmes, principalement des mères célibataires, se tournent vers la prostitution faute d’opportunités d’emploi décentes. Nanah, 40 ans, raconte l’une de ses nuits de travail, où un client, après un rapport sexuel, a refusé de la payer et l’a violemment frappée. Des abus qu’elle attribue à l’impunité des agresseurs, parfois liés aux autorités. D’autres témoignages, comme celui d’Eliane, 46 ans, illustrent également la précarité de cette situation, avec des prix qui, bien que faibles, ne suffisent pas à garantir une vie digne.
Le contexte de cette situation est marqué par un profond déséquilibre économique et social à Madagascar. La pauvreté, le chômage élevé et l’absence de structures sociales de soutien poussent un grand nombre de femmes dans des métiers précaires comme la prostitution. Depuis des années, des associations comme l’AFSA œuvrent pour sensibiliser la société et plaider pour une meilleure protection des professionnelles du sexe. Mais, au-delà de la simple reconnaissance de leur statut, il est urgent de créer un environnement plus sûr et plus respectueux pour ces femmes vulnérables.
Les perspectives pour les prostituées malgaches restent incertaines. Bien que des voix s’élèvent pour réclamer une meilleure protection et un statut dédié, la route semble encore longue. La priorité reste de convaincre la société de la nécessité d’une plus grande empathie envers ces femmes. “On ne se prostitue pas pour le plaisir”, souligne Rebeca, une ancienne prostituée et membre de l’AFSA. Le combat pour une reconnaissance des droits fondamentaux de ces professionnelles du sexe est encore loin d’être gagné, mais les actions de plaidoyer restent déterminantes.
Malgré ces luttes, les conditions de travail des prostituées malgaches sont rarement améliorées sur le terrain. Selon les témoignages recueillis, de nombreux clients, y compris des personnes influentes dans les ministères et les forces de l’ordre, continuent de profiter de leur position pour abuser de ces femmes sans crainte de représailles. Les gérants d’hôtels, souvent complices, préfèrent soutenir les clients plutôt que les victimes de violences. La répression reste insuffisante pour briser ce cercle vicieux.
Enfin, la pandémie de Covid-19 a exacerbé la situation en introduisant de nouvelles dynamiques. La crise sanitaire a favorisé l’émergence de ce que l’on appelle la “prostitution de survie”, un phénomène qui a vu des femmes rurales se rendre en ville pour tenter de survivre dans ce marché. Ce phénomène témoigne de l’ampleur de la précarité qui touche les femmes malgaches et de l’urgence d’une action plus forte de la part des autorités et de la société civile.