Dans une tribune à Jeune Afrique, l’intellectuel camerounais Achille Mbembe appelle à voter pour Emmanuel Macron afin « de contrer le projet » de Marine Le Pen qu’il qualifie de « raciste ». La cheffe de file du Rassemblement national publie, de son côté, une tribune dans plusieurs médias francophones et anglophones du continent, pour présenter sa vision de la relation entre la France et l’Afrique.
Il était temps… À trois jours du second tour de l’élection présidentielle, Marine Le Pen donne enfin quelques pistes de ce que serait sa politique africaine si elle remportait le scrutin dimanche 24 avril. Un projet qui se démarque nettement de celui de son adversaire. La candidate d’extrême droite dit d’abord ne pas vouloir inscrire cette relation « dans un cadre multilatéral globalisant », mais créer « une relation adulte, fondée sur la prise en compte des réalités et des intérêts légitimes, à commencer par la recherche de la stabilité du continent ».
La stabilité et la sécurité constituent à ses yeux, « la condition sine qua non du développement de l’Afrique ». Au sujet de la présence militaire française au Sahel, Marine Le Pen affirme vouloir « mettre un terme » à ce qu’elle qualifie d’« enlisement mortifère ».
Marine Le Pen, partisane de la non-ingérence
En parallèle, la candidate du Rassemblement national prône la non-ingérence dans les affaires intérieures des États afin de stopper ce qu’elle perçoit comme des « incohérences diplomatiques ». « La France, écrit-elle, ne peut pas à la fois accepter la situation institutionnelle créée au Tchad après la mort du président Idriss Déby, tout en condamnant le Mali d’Assimi Goita et en reconnaissant la junte du colonel Damiba au Burkina Faso ».
Promotion de la francophonie, rénovation de la politique française de coopération, voilà quels seraient les axes de sa politique. La candidate d’extrême droite, qui « récuse aussi bien les repentances infondées que les nostalgies d’antan », a visiblement évolué sur la question du franc CFA. Très critique vis-à -vis de cette monnaie en 2017, elle y voit aujourd’hui « une garantie de stabilité pour les économies de la zone franc ». Résultat, si elle est élue, ce sera aux « États africains de décider s’ils entendent poursuivre cette coopération monétaire avec la France ».
Dans ce texte envoyé à différents médias du continent, Marine Le Pen n’aborde pas la relation avec le continent sous l’angle migratoire. C’est pourtant là la partie centrale de son programme. La candidate d’extrême droite veut stopper l’immigration en provenance du continent. Pour ce faire, elle propose tout un ensemble de mesures radicales : fin du droit du sol, suppression du regroupement familial, limitation du droit d’asile, durcissement de l’accès à la nationalité française. Et, au-delà , préférence nationale qui donnerait priorité aux Français en matière de logement, d’emploi et de prestations sociales.
Face aux pays qui refuseront de réadmettre leurs ressortissants expulsés de France, Marine Le Pen a brandi la menace la semaine dernière. « Les choses seront très claires, a-t-elle déclaré le 15 avril sur BFM TV, tant qu’ils n’accepteront pas la réadmission des personnes qui sont indésirables sur notre territoire, il n’y aura plus rien : il n’y aura plus de visas, il n’y aura plus d’aide au développement, il n’y aura plus de transfert d’argent, il n’y aura même plus de capacités pour les dirigeants de ces pays de pouvoir se rendre propriétaires de biens dans le nôtre ».
« Barrer la route au racisme constitutionnel »
L’historien et politologue camerounais Achille Mbembe, proche d’Emmanuel Macron, juge ce projet de « nature diabolique ». Il le voit inspiré « des lois de l’apartheid qui furent en vigueur en Afrique du Sud ». Dans ces conditions, l’abstention ne peut pas être, à ses yeux, une option.
« Comment, le 25 avril au matin, le geste abstentionniste protègera-t-il de la furie lepéniste ceux d’entre nous frappés du “malheur de la couleur” ? », interroge-t-il avant donc d’appeler à reconduire, « sans états d’âme », le président sortant. « Sauf à s’offrir le luxe de la cécité volontaire, écrit l’intellectuel, la seule et unique façon de barrer pour le moment la route au racisme constitutionnel en France est de voter pour Emmanuel Macron ».
Lors des derniers scrutins présidentiels, l’Afrique était un sujet de débat entre les candidats. Cette fois-ci, le continent est totalement passé au second plan. Comment expliquer ce changement ?
Les Africains sont en train de prendre leur destin en main et ne se soucie pas de ce qui se passe à Paris […] Il y a un désamour qui est en train de prendre forme