Proposé par le Conseil d’administration au poste de directeur général d’Atlantique assurances Cameroun IARDT, l’Ivoirien Raoul Charlemagne Raymond Yapo ne peut pas, pour l’instant, prendre service à la tête de cette compagnie d’assurance, contrôlée par le milliardaire ivoirien Bernard Koné Dossongui. Ainsi en a décidé le ministre camerounais des Finances, Louis Paul Motazé, qui vient de signifier au président du Conseil d’administration de cette compagnie d’assurance, le refus de l’agrément au DG proposé.
« J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’il ne m’a pas été possible de donner une suite favorable à la demande d’agrément de monsieur Yapo Raoul Charlemagne Raymond, en qualité de directeur général de Atlantique assurances Cameroun IARDT, dans la mesure où son dossier de satisfait aux exigences de la circulaire (…) du 27 juin 2022 du ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, notamment le contrat de travail visé et la preuve de l’inexistence de Camerounais compétent pour le poste sollicité », écrit le ministre Motazé dans une correspondance adressée au PCA d’Atlantique assurances Cameroun IARDT, le 2 mars 2023.
Camerounisation des emplois
Selon les termes de cette lettre du ministre des Finances, le dossier soumis pour l’agrément du DG ne contient pas de contrat de travail dûment signé par le ministre en charge de l’Emploi ni de preuve de l’inexistence d’un Camerounais capable de gérer la compagnie, comme l’exige la règlementation en vigueur au Cameroun en matière de recrutement de la main-d’œuvre étrangère. Comme le fait remarquer le ministre Motazé dans sa lettre du 2 mars 2023, son homologue en charge de l’Emploi et de la Formation professionnelle, Issa Tchiroma Bakary, a effectivement commis une circulaire le 27 juin 2022, pour rappeler à l’ordre les chefs d’entreprises qui prennent des libertés avec la règlementation sur le recrutement de la main-d’œuvre étrangère.
« Il m’a été donné de constater que les chefs d’entreprises déposent des demandes de visas des contrats de travail des personnels de nationalité étrangère, sans y annexer un plan de camerounisation des emplois pour lesquels les visas sont sollicités, ou un mécanisme de transfert de compétences ou de technologies en faveur des nationaux, lorsque la demande porte sur un seul travailleur de nationalité étrangère, ou qu’elle concerne un poste stratégique ou de gestion », écrit le ministre Tchiroma.
« Outre les postes stratégiques et de gestion, le ministre chargé des questions d’emplois ne devrait accorder le visa de travail à un travailleur de nationalité étrangère que s’il est prouvé qu’il n’existe pas de Camerounais compétent au poste sollicité, ou lorsque l’employeur qui envisage d’embaucher un travailleur de nationalité étrangère prouve qu’il a également embauché un Camerounais, qui assiste le travailleur de nationalité étrangère, pour les besoins de transfert de compétences et de technologies », renseigne la circulaire signée par Issa Tchiroma, qui souligne la dérogation faite sur les recrutements des étrangers aux « postes stratégiques et de gestion ».
Précédents
Sur la foi de la note sus-mentionnée du ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, pour pouvoir obtenir la validation du contrat de travail du DG d’Atlantique assurances Cameroun IARDT, le PCA doit au minimum produire aux autorités camerounaises un plan de transfert des compétences à un employé de nationalité camerounaise, susceptible de prendre le relais à un moment donné. Ceci dans la mesure où non seulement le recrutement « porte sur un seul travailleur de nationalité étrangère », mais aussi parce que le poste en question relève de la catégorie des « postes stratégiques et de gestion ». Il n’est donc point question ici d’apporter une quelconque preuve de l’inexistence de nationaux compétents pour le poste, comme indique la lettre du ministre des Finances.
Au demeurant, si la décision du ministre des Finances de refuser pour l’instant l’agrément au DG d’Atlantique assurances Cameroun IARDT participe du dessein de promouvoir la nationalisation des emplois, dans un pays où le chômage sévit à l’état endémique, elle pourrait cependant créer un précédent. Ceci, au regard des nombreux expatriés qui se succèdent à la tête des filiales locales des multinationales dans le pays depuis des années, sans passer la main à des nationaux depuis longtemps relégués au rang d’adjoint.
La décision du ministre Motazé pourrait également créer un précédent en Côte d’Ivoire, pays très rigide sur les questions d’emplois des étrangers, mais dans lequel de nombreux travailleurs camerounais trouvent fortune, ou dirigent de grandes entreprises devant des Ivoiriens. L’exemple le plus parlant est celui de Standard Chartered Bank Côte d’Ivoire, où le directeur général (John Mokom) et le PCA (Mathieu Mandeng) sont tous les deux des Camerounais depuis 2021. Dans ce même pays, le Camerounais Freddy Tchala a dirigé de 2015 à 2019 la filiale de MTN, l’une des plus importantes du groupe télécoms sud-africain en Afrique subsaharienne.
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