Le pape émérite Benoît XVI, dont la renonciation en 2013 avait pris le monde entier par surprise, s’est éteint samedi à 95 ans dans le monastère des jardins du Vatican où il s’était retiré. “J’ai la douleur de vous annoncer que le pape émérite, Benoît XVI, est décédé aujourd’hui à 09H34, au monastère Mater Ecclesiae, au Vatican”, a annoncé dans un communiqué le directeur du service de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni.
L’état de santé du théologien allemand s’était dégradé ces derniers jours, mais le Vatican avait indiqué vendredi que son état était “stationnaire” et qu’il avait participé à la célébration de la messe dans sa chambre jeudi. Les funérailles du 265e pape devraient être célébrées par son successeur François à Rome, un événement inédit dans l’histoire deux fois millénaire de l’Eglise catholique auquel des dizaines de milliers de personnes pourraient assister, dont des chefs d’Etats.
Son décès met fin à la cohabitation insolite de deux hommes en blanc: l’Allemand Joseph Ratzinger, brillant théologien peu à l’aise avec les bains de foule, et l’Argentin Jorge Bergoglio, jésuite doté d’une parole incisive qui a voulu remettre les pauvres et les migrants au centre de la mission de l’Eglise.
Après huit ans de pontificat marqué par de multiples crises, Benoît XVI avait été rattrapé début 2022 par le drame de la pédocriminalité dans l’Eglise. Mis en cause par un rapport en Allemagne sur sa gestion des violences sexuelles lorsqu’il était archevêque de Munich, il était sorti de son silence pour demander “pardon” mais avait assuré ne jamais avoir couvert de pédocriminel. Sa renonciation, annoncée en latin le 11 février 2013, fut une décision personnelle liée à ses forces déclinantes et non à la pression de scandales, avait-il assuré dans un livre de confidences paru en 2016.
Par ce geste, inédit en six siècles, le premier pape allemand de l’Histoire moderne a ouvert la voie à ses successeurs dont les forces viendraient à décliner. François, 86 ans et souffrant de douleurs au genou, a lui-même laissé “ouverte” cette possibilité.
Prière “spéciale”
Mercredi, le pape François avait appelé à une “prière spéciale” pour son prédécesseur “gravement malade” et était allé à son chevet au monastère Mater Ecclesiae, situé au coeur des jardins du Vatican. Le Saint-Siège avait ensuite confirmé l’”aggravation” de l’état de santé du théologien allemand en raison de son “âge avancé”, précisant qu’il restait sous surveillance médicale permanente. “Ce sont ses fonctions vitales qui lâchent, y compris le coeur”, avait précisé à l’AFP une source vaticane, ajoutant qu’aucune hospitalisation n’était prévue, la résidence de Benoît XVI disposant du matériel médical nécessaire.
Vendredi après-midi, le Vatican a organisé une messe à la basilique Saint-Jean-de-Latran à Rome afin de prier pour l’ancien pape. Benoît XVI était apparu de plus en plus fragile ces derniers mois, se déplaçant en chaise roulante, mais il continuait de recevoir des visiteurs. Les photos de sa dernière visite reçue, datant du 1er décembre, montraient un homme frêle et visiblement affaibli.
VIH et Vatileaks
Né en 1927, Joseph Ratzinger a enseigné la théologie durant 25 ans en Allemagne avant d’être nommé archevêque de Munich. Il est ensuite devenu le strict gardien du dogme de l’Eglise durant un autre quart de siècle à Rome à la tête de la congrégation pour la doctrine de la foi, puis pape pendant huit ans (2005-2013), succédant à Jean Paul II. En tant que chef de l’Eglise catholique, il a défendu une ligne conservatrice, notamment sur l’avortement, l’homosexualité ou l’euthanasie.
Ses déclarations ont parfois choqué, comme sur l’islam ou l’utilisation du préservatif contre le VIH. Son pontificat fut également marqué en 2012 par la fuite de documents confidentiels (“Vatileaks”) orchestrée par son majordome. Le scandale avait mis en évidence une Curie romaine (gouvernement du Vatican) minée par les intrigues et dénuée de rigueur financière. La dernière vidéo de Benoît XVI, diffusée par le Vatican en août, montrait un homme amaigri, muni d’un appareil auditif, ne pouvant plus parler mais au regard toujours vif.
Les évêques de Belgique “émus” par le décès du pape émérite
Les évêques de Belgique expriment leur communion et leur émotion samedi, après l’annonce du décès du pape émérite Benoît XVI. “Depuis quelques jours, nous savions que sa santé s’était détériorée et avions invité à prier pour lui”, indiquent-ils dans un communiqué de presse. “Nous redisons au pape François notre communion dans la prière pour le repos du pape émérite Benoît XVI.”
Les évêques de Belgique soulignent “l’amour de l’Église” catholique et la “mission accomplie” du pape de 2005 à 2013, “dans un monde et une Église en pleine mutation”. Ils avaient rendu visite à Benoît XVI en mai 2010 et se souviennent de sa “grande cordialité” lors de l’audience. “Le pape avait évoqué la sainteté du Père Damien en nous invitant à proposer son exemple aux prêtres et aux religieux. Le pape Benoît XVI avait également tenu à envoyer ses encouragements aux prêtres, religieux et religieuses, diacres et responsables pastoraux, souvent surchargés.”
Les grandes dates de Joseph Ratzinger, le pape Benoît XVI
Les grandes dates de Joseph Ratzinger, pape sous le nom de Benoît XVI (2005-2013), décédé samedi à l’âge de 95 ans au Vatican.
– 16 avril 1927: naissance à Marktl am Inn, petit bourg du sud de la Bavière (sud de l’Allemagne)
– 1941: enrôlé de force dans les Jeunesses Hitlériennes.
– 1951: ordonné prêtre, avant d’entamer une longue carrière de professeur de théologie et d’auteur de nombreuses publications.
– De mars à juin 1977: nommé archevêque de Munich et Freising, ordonné évêque, et créé cardinal.
– 1981: nommé préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, en charge de veiller au dogme de l’Eglise catholique.
– 19 avril 2005: élu pape, il succède à Jean Paul II. Il prend le nom de Benoît XVI.
– janvier 2006: publie sa première encyclique, “Dieu est amour”, suivie par “Sauvés par l’espérance”, en novembre 2007 et “La Charité dans la vérité”, en juillet 2009.
– septembre 2006: déclenche une polémique après un discours semblant lier islam et violence à l’université de Ratisbonne (Allemagne). Il présente ensuite ses regrets au monde musulman.
– 11 février 2013: annonce sa démission, qui prend effet le 28 février. Devient pape émérite.
– 20 janvier 2022: accusé d’inaction lorsqu’il était archevêque de Munich, de 1977 à 1982, dans un rapport indépendant publié en Allemagne. Il demande “pardon” pour les violences sexuelles sur mineurs commises par des clercs, tout en assurant ne jamais avoir couvert de prêtres pédocriminels.
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