Le 15 août 2025, l’armée nigérienne a mené une opération aérienne ciblée visant Ibrahim Mahamadou, dit « Bakoura », chef de la faction Jama’atu Ahlis Sunna Lidda’Awati Wal-Jihad (JAS) de Boko Haram. Ce dernier aurait été neutralisé lors d’une attaque sur l’île de Chilawa, dans la région de Diffa, au sud-est du Niger. L’opération, menée après plusieurs semaines de surveillance, a été réalisée en deux phases : une reconnaissance aérienne suivie de frappes précises par un chasseur-bombardier. Cependant, l’information concernant la mort de Bakoura reste incertaine, aucun communiqué officiel n’ayant encore confirmé cet événement.
Ibrahim Mahamadou, connu sous le nom de Bakoura, a rejoint Boko Haram il y a plus de dix ans et est rapidement devenu un lieutenant de confiance d’Abubakar Shekau, le précédent leader de la faction JAS. Après le suicide de Shekau en 2021, Bakoura a pris la tête de la faction, poursuivant une lutte violente contre les forces de sécurité nigérianes et les civils dans la région du bassin du lac Tchad. Sous son commandement, JAS a intensifié ses attaques, notamment l’enlèvement d’écoliers à Kuriga, au Nigéria, en mars 2024. Le groupe, sous sa direction, a également étendu son contrôle sur des territoires stratégiques dans le nord du Nigéria et au-delà, dans les zones reculées de l’archipel du lac Tchad.
L’ascension de Bakoura à la tête de JAS s’inscrit dans un contexte complexe de fragmentation et de rivalités au sein de Boko Haram. Depuis la mort de Shekau, JAS a dû lutter pour maintenir sa cohésion face à la montée en puissance d’ISWAP (l’État islamique en Afrique de l’Ouest). Alors que ce dernier semblait prendre l’ascendant sur la faction de Shekau, Bakoura a réussi à reconstruire et à stabiliser JAS, tout en s’opposant avec succès à l’influence croissante d’ISWAP. L’organisation s’est ainsi renforcée, malgré les attaques militaires multinationals dans la région.
La mort présumée de Bakoura soulève une série d’interrogations sur l’avenir de JAS. Selon Vincent Foucher, expert de l’insurrection jihadiste, il est crucial de rester prudent quant à la confirmation de cette information, soulignant que de nombreux chefs jihadistes ont été annoncés morts prématurément. Bakoura, une figure centrale dans la structuration de JAS, a non seulement renforcé sa faction après la chute de Shekau, mais il a également facilité son expansion territoriale. Toutefois, la faction JAS pourrait désormais se fragmenter davantage en raison de tensions internes croissantes, d’autant plus que la structure du groupe demeure fragile et dépendante de la fidélité à ses leaders.
Si Bakoura venait à être définitivement confirmé mort, l’avenir de JAS serait incertain. Le groupe fait face à des défis internes de taille, notamment la rivalité entre factions et la dispersion géographique de ses cellules, qui s’étendent du nord-est du Nigéria au nord-ouest. Cette dispersion rend difficile la nomination d’un successeur reconnu par toutes les branches du groupe. Cependant, JAS conserve une base économique solide grâce à son contrôle de territoires stratégiques autour du lac Tchad, où il impose des taxes, notamment sur le commerce halieutique. Cette base financière pourrait permettre à l’organisation de survivre à une crise de leadership temporaire.
Les forces nigériennes, épaulées par des partenaires internationaux, devront continuer de surveiller de près les développements dans la région du lac Tchad. L’éventuelle disparition de Bakoura, si elle venait à se confirmer, pourrait redéfinir les rapports de force entre les différents groupes jihadistes opérant dans la région. Mais au-delà de la simple élimination de leaders, la question centrale reste la capacité des forces multinationales à maintenir la pression contre des groupes comme JAS, qui continuent de prospérer grâce à un environnement de guerre prolongée et à une base de soutien économique stable. Le risque d’une résurgence de JAS ou d’une fragmentation interne demeure réel, ce qui pourrait avoir des répercussions graves pour la stabilité de la région.
