Le gouvernement nigérien a fermement rejeté, ce 27 décembre, les accusations de vol formulées par la justice française à propos de stocks d’uranium. Les ministres des Mines et de la Justice ont affirmé la souveraineté exclusive de Niamey sur cette ressource, en réponse à l’ouverture d’une enquête française pour « vol en bande organisée dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère ». Ce rebondissement judiciaire intensifie un conflit déjà tendu avec le groupe nucléaire français Orano, impliquant plusieurs procédures d’arbitrage international.
Le cœur du litige porte sur le devenir d’environ 2 000 tonnes d’uranium extraites du site de la Somaïr, situé près d’Arlit. Fin novembre, Orano avait dénoncé l’expédition d’un chargement malgré une injonction du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, qui interdisait aux parties de vendre ce stock pendant la procédure. Le Niger a choisi d’ignorer cette mesure conservatoire, conduisant le parquet de Paris à se saisir de l’affaire. Les autorités nigériennes rétorquent qu’« on ne peut pas voler ce que l’on possède légitimement ».
Cette crise s’inscrit dans la rupture post-coup d’État de juillet 2023 entre la junte au pouvoir et ses anciens partenaires. En juin 2024, Niamey a nationalisé la Société des mines de l’Air, détenue à 63,4% par Orano et à 36,6% par l’État nigérien, actant la fin d’un partenariat vieux de plus de 50 ans. La junte justifie cette décision par un déséquilibre systémique dans la répartition des bénéfices et accuse Orano de laisser des dettes impayées. Elle réclame désormais au groupe plus de 6 millions d’euros au titre du respect de la réglementation minière.
Les perspectives immédiates sont judiciaires et économiques. Les procédures d’arbitrage en cours au CIRDI détermineront la légalité de la nationalisation et les éventuelles compensations. Parallèlement, la vente des stocks controversés par le Niger, potentiellement à de nouveaux clients comme l’Iran évoqué dans d’autres reportages, chercherait à court-circuiter Orano et à générer des liquidités urgentes pour l’État. Cette stratégie comporte toutefois des risques, notamment d’isolement financier et de complications juridiques pour les acheteurs.
L’argumentaire nigérien repose sur une rhétorique de souveraineté économique et de dénonciation du legs colonial. Le ministre de la Justice a ainsi souligné que l’uranium était le fruit « de la sueur et du labeur des ouvriers » et des investissements de l’État, minimisant le rôle historique du capital et de la technologie français. Cette position rencontre un écho certain dans une population où persiste le sentiment d’une exploitation inéquitable des ressources, malgré l’importance passée de l’uranium nigérien pour le parc nucléaire français.
Pour Orano, l’enjeu dépasse le préjudice financier immédiat. Il s’agit de défendre le principe des accords miniers internationaux et de dissuader d’autres pays de suivre la voie de la nationalisation unilatérale. La saisine du parquet de Paris, sur une base pénale rarement utilisée dans ce type de conflit commercial, marque une escalade significative. Elle révèle la détermination française à utiliser tous les leviers juridiques, dans un contexte géopolitique régional où son influence est ouvertement contestée par les régimes militaires du Sahel.
Au-delà du duel bilatéral, ce conflit illustre la remise en cause plus large des contrats miniers hérités de l’ère postcoloniale en Afrique. La stratégie de la junte, consistant à combiner nationalisation, défiance envers la justice internationale et recherche de nouveaux partenaires, est observée avec attention par d’autres États producteurs de ressources. L’issue de cette confrontation servira de test sur la capacité des anciennes puissances à faire respecter les arbitrages internationaux et sur la marge de manœuvre réelle des États africains dans la renégociation des termes de l’extraction.



