Le tout premier sommet Arabie saoudite-Afrique s’est tenu ce vendredi à Riyad, réunissant de nombreux chefs d’État et de gouvernement africains tels que le président ivoirien Alassane Ouattara, le président guinéen Mamadi Doumbouya, ou encore le président de la transition gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema. Marc Lavergne, directeur de recherche émérite au CNRS et spécialiste des relations entre les pays du golfe et le continent africain, souligne que l’Arabie saoudite cherche à développer ses intérêts économiques sur les rivages de la mer Rouge, face à l’Afrique, sous l’égide de son prince héritier Mohamed ben Salman. La politique africaine de l’Arabie saoudite prend forme dans un contexte où les récentes crises, comme le coup d’État au Niger, ont mis en évidence les difficultés de la communauté internationale à stabiliser le continent, offrant ainsi à l’Arabie saoudite une opportunité de se présenter comme un recours.
Marc Lavergne explique que les dirigeants africains ont accepté l’invitation saoudienne en raison des intérêts économiques de l’Arabie saoudite dans la région. Le prince héritier Mohamed ben Salman a décidé de développer ses activités sur la mer Rouge, en face de l’Afrique. Cette démarche s’inscrit dans une politique africaine saoudienne, amplifiée par les fragilités actuelles du continent, notamment illustrées par le coup d’État au Niger. L’Arabie saoudite peut ainsi se positionner comme un recours face aux difficultés de stabilisation que rencontrent les grandes organisations régionales, y compris la Cédéao. Par ailleurs, l’Arabie saoudite utilise sa position de siège des lieux saints pour renforcer son influence en Afrique, en particulier au Sahel. Cette légitimité morale lui permet d’assumer un rôle de tutelle dans la résolution des problèmes africains, avec des dimensions financières, religieuses, et diplomatiques.
La dimension religieuse occupe une place centrale dans la stratégie saoudienne en Afrique. En tant que gardienne des lieux saints de l’islam, l’Arabie saoudite cherche à asseoir une légitimité morale, se présentant comme un protecteur et un médiateur dans les affaires africaines. Cette approche inclut des initiatives telles que la distribution de Corans, la construction de mosquées, la formation d’imams, mais elle comporte également des éléments diplomatiques sensibles. Face à la présence croissante du prosélytisme iranien et des groupes jihadistes hostiles à l’Arabie saoudite, la diplomatie religieuse saoudienne cherche à contrer ces influences concurrentes.
Concernant les investissements économiques, Marc Lavergne exprime des doutes quant aux capacités de l’Arabie saoudite à rivaliser avec d’autres acteurs régionaux tels que les Émirats arabes unis ou la Chine. Contrairement au colonel Khadafi, qui avait une tradition et une compétence avérées dans les investissements, l’Arabie saoudite semble actuellement se limiter à des contributions financières. La promesse de 25 milliards de dollars d’investissements en Afrique d’ici 2030, avec cinq milliards supplémentaires dédiés à des projets de développement, suscite néanmoins l’enthousiasme du président nigérian Bola Tinubu. Douze pays africains ont également signé des accords de prêt avec le Fonds saoudien pour le développement, visant à financer des projets dans des secteurs clés tels que la santé, l’eau, et l’éducation. L’Arabie saoudite prévoit également de renforcer ses relations diplomatiques avec le continent en ouvrant de nouvelles ambassades, bien que les pays concernés ne soient pas spécifiés.