“Cela sera une année de victoire”, s’était vanté le président ukrainien Volodymyr Zelensky au début de l’année, à l’occasion du premier anniversaire de l’invasion russe. Plusieurs mois plus tard, le constat est bien différent. Une enquête menée par le journal américain The Washington Post révèle comment les erreurs de calcul et les désaccords constants entre Kiev et ses alliés occidentaux sur la stratégie, la tactique et le calendrier ont conduit la contre-offensive à un statu quo.
Le Washington Post, qui s’est entretenu avec plus de 30 hauts fonctionnaires ukrainiens, américains et européens, révèle de nouveaux détails sur le déroulement de la contre-offensive ukrainienne. Au début de l’année, huit grands exercices militaires ont été organisés sur une base aérienne américaine à Wiesbaden, en Allemagne, près de Francfort. L’objectif était d’utiliser des simulations afin d’élaborer un plan d’attaque et de déterminer l’aide nécessaire de la part de l’Occident.
Scénario le plus optimiste
Chaque scénario s’est vu attribuer une note: de la capitulation russe (“très improbable”) à une défaite ukrainienne permettant une contre-attaque russe (également improbable). Selon le scénario le plus optimiste, l’Ukraine pouvait atteindre la mer d’Azov en 60 à 90 jours et couper complètement le pont terrestre entre la Russie et la Crimée. Mais l’Ukraine n’a pas pu transformer son armée aussi rapidement que prévu.
L’Ukraine et les États-Unis avaient des points de vue différents sur la stratégie, la tactique et le calendrier. Le Pentagone souhaitait que la contre-offensive commence à la mi-avril afin que Moscou n’ait pas la possibilité de renforcer ses lignes. Les services de renseignement américains avaient indiqué au cours de l’hiver que les défenses russes étaient très faibles et largement dépourvues de personnel, et que le moral des troupes était bas après les pertes subies à Kharkiv et à Kherson. L’Ukraine, quant à elle, maintenait qu’elle n’était pas prête et qu’elle manquait encore d’armes, d’entraînement et de soutien aérien.
Poutine sous-estimé?
Les États-Unis voulaient également que l’attaque se déroule en un seul point, vers Melitopol (puis la mer d’Azov), tandis que l’Ukraine voulait maintenir la pression sur l’ensemble du front et a choisi trois points d’attaque en plus de celui des Américains, vers Berdiansk, et à l’est, vers Bakhmout.
Selon les sources du Washington Post, “l’Ukraine et l’Occident sous-estiment complètement Poutine”. Plus précisément, la capacité de la Russie à se remettre sur pied après de lourdes défaites sur le champ de bataille et aussi à exploiter ses atouts en permanence: ses effectifs importants, notamment, et sa faculté à sacrifier des vies à une échelle à laquelle peu d’autres pays sont prêts à consentir.
Le début de la contre-offensive a été retardé à plusieurs reprises par l’Ukraine, qui se plaignait de la livraison tardive des équipements militaires promis par l’Occident. Kiev, qui jugeait parfois ces derniers non adaptés, craignait des pertes catastrophiques. Le point de départ des simulations prévoyait une bataille difficile et sanglante, avec jusqu’à 30 ou 40 % de soldats et d’équipements perdus, selon des responsables américains.
Statu quo
Pendant ce temps, la Russie a préparé ses défenses, construisant des kilomètres de barrières, de tranchées et d’autres obstacles sur le front en prévision de la poussée ukrainienne. En conséquence, les services de renseignement américains ne donnaient à la contre-offensive que 50 % de chances de succès à la fin du printemps.
La contre-offensive a finalement été lancée au début du mois de juin. Sauf qu’à l’approche de l’hiver, le front n’a pratiquement pas bougé. On peut donc se demander si l’Ukraine est encore en mesure de gagner la guerre. D’autant plus que le soutien militaire de l’Occident semble s’amenuiser et que l’attention internationale se concentre désormais sur le Moyen-Orient.
Source : 7sur7.be