Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a annoncé le lundi 14 octobre la “réactivation” des enquêtes en République démocratique du Congo (RDC). Cette décision fait suite à la visite du vice-ministre congolais de la Justice, Samuel Mbemba Kabuya, à La Haye la semaine précédente. Ces nouvelles enquêtes se concentreront sur les crimes commis dans la province du Nord-Kivu depuis janvier 2022, au cours des affrontements entre les forces congolaises et les rebelles du M23.
Ces enquêtes viseront non seulement les responsables de crimes de guerre, mais également ceux accusés de crimes contre l’humanité et de génocide. Le procureur a souligné que tous les auteurs présumés de ces crimes seront visés, y compris les milices locales alliées aux forces armées congolaises ainsi que des groupes tels que les FDLR, une milice hutu issue des anciens génocidaires rwandais. Cette approche inclusive démontre la volonté de la CPI de garantir que toutes les parties impliquées dans ces crimes rendent des comptes devant la justice.
Le contexte de ces nouvelles enquêtes est marqué par la reprise des hostilités dans l’est de la RDC depuis le début de l’année 2022. Le Nord-Kivu, région marquée par des violences récurrentes depuis plus de vingt ans, est redevenu le théâtre de combats intenses opposant les forces gouvernementales congolaises au groupe rebelle M23, soutenu par le Rwanda. Cette situation rappelle les nombreux conflits qui ont ravagé la région depuis le début des années 2000, justifiant ainsi l’intervention continue de la CPI pour enquêter sur les crimes commis.
Les perspectives de ces enquêtes reflètent la volonté de la CPI de collaborer étroitement avec les autorités congolaises. Le procureur Karim Khan a annoncé une “approche à deux voies” qui combine l’enquête internationale avec un soutien au système judiciaire congolais. La création d’un comité de pilotage pour l’établissement d’une Cour pénale spéciale pour la RDC s’inscrit dans cette logique, visant à renforcer la capacité du pays à assurer la justice sur son territoire.
Depuis le début des enquêtes de la CPI en RDC en 2004, sept responsables ont fait l’objet de mandats d’arrêt, dont Thomas Lubanga et Bosco Ntaganda, qui ont été jugés par la Cour. Cette “réactivation” des enquêtes intervient alors que Kinshasa intensifie ses efforts diplomatiques au niveau international. L’année dernière, le gouvernement congolais a demandé à nouveau à la CPI d’enquêter sur les crimes présumés du M23 et des forces rwandaises dans la région du Nord-Kivu.
Malgré ces efforts, la lenteur des procédures de la CPI a engendré des tensions avec les autorités congolaises. En août dernier, le ministre de la Justice, Constance Mutamba, avait évoqué la possibilité pour la RDC de se retirer du Statut de Rome si la CPI ne réagissait pas de manière plus efficace. Cette menace, combinée à la visite récente du vice-ministre de la Justice à La Haye, semble avoir joué un rôle dans la décision de la CPI de relancer ses enquêtes. Parallèlement, des pourparlers pour un accord de paix entre la RDC et le Rwanda se poursuivent depuis avril en Angola.