Les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame se rencontrent ce jeudi 4 décembre à Washington pour entériner formellement deux accords censés restaurer la paix à la frontière de leurs pays. Cette cérémonie, orchestrée par l’administration américaine, vise à donner un poids politique à des textes déjà signés par les diplomates, mais elle se déroule dans un climat de défiance extrême entre les deux dirigeants, alors que les combats continuent dans l’est de la République démocratique du Congo.
La rencontre a pour objectif de parapher l’accord de paix du 27 juin et le cadre d’intégration économique régionale du 7 novembre. Ces documents, finalisés après huit mois de laborieuses négociations sous médiation américaine, constituent le cœur d’un dispositif censé mettre fin à des décennies d’instabilité. Le premier vise à un cessez-le-feu durable, tandis que le second entend ancrer la réconciliation dans des projets économiques communs. Leurs signatures techniques ayant déjà eu lieu, le sommet de Washington doit leur conférer une légitimité politique de haut niveau.
Cette séquence diplomatique s’inscrit dans un conflit larvé qui empoisonne depuis près de trente ans les relations entre Kinshasa et Kigali. Le Rwanda est régulièrement accusé par la RDC, l’ONU et plusieurs capitales occidentales de soutenir le mouvement rebelle M23, actif dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. En retour, Kigali dénonce la présence de groupes armés hostiles à son régime opérant depuis le sol congolais. Malgré plusieurs accords passés, dont celui de 2013, aucun n’a réussi à instaurer une paix durable, laissant place à un cycle répété de violences et d’accusations mutuelles.
Les perspectives immédiates restent obscurcies par l’absence de confiance. L’efficacité des nouveaux accords dépendra entièrement de leur application sur le terrain, où aucun mécanisme de sanction coercitif n’est prévu. Un retrait des troupes rwandaises, ligne rouge réitérée par Kinshasa, est la condition sine qua non posée par Félix Tshisekedi pour toute intégration économique future avec Kigali. Parallèlement, les négociations directes entre le gouvernement congolais et la rébellion M23, menées à Doha, constituent une autre piste fragile dont les progrès influenceront nécessairement la dynamique globale.
La dimension américaine dépasse le seul rôle de médiateur. Washington négocie en marge de ce processus un partenariat bilatéral stratégique avec la RDC, ciblant l’accès à au moins dix substances minérales critiques, comme le lithium, le niobium ou le coltan. Ce texte, qui devrait aussi être signé, prévoit notamment des investissements dans le corridor ferroviaire de Lobito pour faciliter l’exportation des minerais du Katanga via l’Angola. Cette implication est perçue comme une manœuvre pour contrer l’influence chinoise en Afrique centrale et sécuriser des approvisionnements vitaux pour les industries de haute technologie.
Sur le terrain, la réalité militaire contredit les avancées diplomatiques. Un mécanisme de cessez-le-feu entre Kinshasa et le M23 existe sur le papier depuis octobre, mais les hostilités se poursuivent. Des acteurs directs du conflit qualifient même le processus d’« escroquerie internationale », faute de contraintes. Cette déconnexion entre les signatures à Washington et la situation à l’est du Congo constitue le principal écueil. La présence de plusieurs dirigeants africains comme témoins à la cérémonie vise à élargir le cercle des garants, mais ne pallie pas le déficit de volonté politique observable entre les deux principaux concernés.



