L’ex-leader des milices ituriennes et ancien détenu de la Cour pénale internationale, Thomas Lubanga, s’apprête à lancer un nouveau mouvement politico-militaire. Basé en Ouganda depuis plusieurs mois, il mène des consultations avec divers groupes armés de la province de l’Ituri, qu’il accuse de ne pas recevoir l’attention nécessaire du gouvernement de Kinshasa, concentré sur les crises sécuritaires des Kivu. Cette marginalisation, selon lui, justifie la naissance de la Convention pour la révolution populaire (CRP), un mouvement qui se dote d’une branche armée, les Forces pour la révolution populaire (FRP).
La CRP, qui a vu le jour après plusieurs mois de discussions, se présente comme un projet de mobilisation politique et militaire pour les populations de l’Ituri, en quête de représailles contre l’inertie perçue du gouvernement central. Des rencontres ont eu lieu en janvier et février 2025 à Kampala, réunissant des représentants de groupes armés locaux, dont la FRPI (Front pour l’intégration de l’Ituri) et le groupe Zaïre. Un protocole d’accord a été signé, et il fixe les bases d’une alliance politique et militaire avec l’objectif de défendre les intérêts de l’Ituri. Un acteur clé de ce mouvement est le colonel Justin Lobho Zissy, un officier des FARDC qui semble avoir rejoint les rangs de la CRP.
L’Ituri, une province située au nord-est de la République Démocratique du Congo, est depuis plusieurs décennies le théâtre de violences récurrentes liées aux conflits ethniques, aux groupes armés et à la négligence perçue de l’État congolais. Les autorités de Kinshasa ont souvent été accusées d’ignorer les besoins de cette région, préférant se concentrer sur les troubles des Kivu, plus médiatisés. Ce sentiment de marginalisation alimente les frustrations locales, et la figure de Lubanga, ancien chef de guerre, reste toujours influente malgré ses antécédents judiciaires, notamment sa condamnation pour l’enrôlement d’enfants soldats.
L’armée congolaise semble minimiser la menace que représente la CRP, la qualifiant de mouvement sans avenir. Kinshasa soutient que les récentes attaques attribuées à la CRP dans le territoire de Djugu, comme celles à Nyamamba et Datulé, n’auraient que peu d’impacts sur la stabilité de la région. Cependant, la progression des combattants vers Tshomia, une localité stratégique près du lac Albert, pourrait avoir des conséquences sur l’équilibre sécuritaire de l’Ituri, déjà fragile. Les autorités congolaises misent sur un rejet local du mouvement, mais l’incertitude demeure.
Malgré les assurances de Kinshasa, des sources locales font état d’une inquiétude croissante parmi les communautés de l’Ituri, qui sont divisées sur le mouvement porté par Lubanga. Selon certaines informations, des attaques ont eu lieu dans plusieurs localités, alimentant un climat de peur et de confusion. Toutefois, les représentants de la CRP refusent de confirmer si ces actions relèvent de leur initiative. L’armée congolaise reste vigilante, mais des voix s’élèvent, notamment au sein des communautés de Djugu, pour rappeler la nécessité de traiter de manière plus équitable la question sécuritaire et socio-économique de la région.
Le retour de Lubanga en Ituri s’inscrit dans une dynamique politique plus large, où les anciens chefs de guerre, souvent perçus comme des figures de résistance face à l’État congolais, cherchent à mobiliser autour de leur vision de l’autonomie régionale. L’enjeu pour Kinshasa sera de limiter l’influence de ces mouvements, tout en renforçant sa légitimité auprès des populations locales. Le temps dira si la CRP parviendra à s’imposer comme une force capable de bouleverser l’ordre établi ou si elle restera marginale face aux autorités congolaises.