Une nouvelle audience s’est tenue le 15 juillet à Kigali pour statuer sur le maintien en détention provisoire de Victoire Ingabire, figure de l’opposition rwandaise. Arrêtée le 19 juin dernier, elle est poursuivie dans le cadre d’un dossier lié à une autre affaire visant huit de ses proches ainsi qu’un journaliste. Les procureurs l’accusent notamment de conspiration et d’incitation à l’insurrection. Le verdict sur son maintien ou non en détention est attendu pour le 18 juillet.
Lors de cette audience, longue de plus de cinq heures, les procureurs ont présenté six chefs d’accusation contre Ingabire : appartenance à un groupe illégal, atteinte présumée à l’autorité de l’État, et diffusion de messages visant à ternir l’image du régime à l’international. Ils l’accusent d’avoir participé à l’organisation d’une formation en ligne reposant sur un ouvrage intitulé Comment faire tomber un dictateur quand on est seul, tout petit et sans arme. Un contenu jugé subversif par l’accusation, qui l’interprète comme une incitation à la rébellion.
Cette nouvelle procédure s’inscrit dans un contexte plus large de répression contre les voix critiques au Rwanda. Depuis la fin 2021, plusieurs militants du parti de Victoire Ingabire, Dalfa-Umurinzi, ainsi qu’un Youtubeur, sont poursuivis pour des faits similaires. La justice rwandaise est régulièrement accusée par les ONG de servir de levier politique contre l’opposition. Pour la défense, cette affaire s’ajoute à une série de mesures judiciaires instrumentalisées pour dissuader toute contestation du pouvoir en place.
Le tribunal doit trancher d’ici le 18 juillet sur la demande de remise en liberté provisoire de l’opposante. Son avocat réclame l’abandon pur et simple des charges, dénonçant une enquête lacunaire, et des atteintes aux droits de la défense. Selon lui, l’atelier évoqué par le parquet était une discussion théorique sur la désobéissance civile non violente, sans aucun lien avec une incitation à l’insurrection.
Cette affaire relance le débat sur la marge de manœuvre réelle laissée à l’opposition au Rwanda. Ingabire, déjà emprisonnée entre 2010 et 2018 pour atteinte à la sûreté de l’État, incarne l’une des rares figures encore actives en politique. Sa nouvelle arrestation renforce les inquiétudes sur le verrouillage de l’espace politique, à un an de la prochaine présidentielle.
Les autorités rwandaises défendent leur ligne : toute tentative de déstabilisation, même symbolique ou idéologique, sera réprimée. Pour Kigali, les formations en ligne autour d’ouvrages de résistance pacifique sont interprétées comme des menaces contre l’ordre public. Mais cette lecture maximaliste du droit pose question, notamment sur la compatibilité entre sécurité nationale et respect des libertés civiques dans un État qui se revendique démocratique.