Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a annoncé son intention d’abroger la loi d’amnistie adoptée en mars 2024, qui couvre les violences politiques ayant secoué le pays entre 2021 et 2024. Cette déclaration marque une étape cruciale pour faire la lumière sur cette période sombre qui a coûté la vie à des dizaines de personnes.
Cette abrogation viserait spécifiquement les crimes de sang, notamment les meurtres et tortures perpétrés lors des manifestations politiques. En parallèle, le gouvernement a alloué cinq milliards de francs CFA (7,6 millions d’euros) pour indemniser les victimes. Ces mesures, bien qu’ambitieuses, soulèvent des interrogations sur leur portée réelle et sur les défis juridiques à venir pour juger les responsables des violences.
Entre 2021 et 2024, le Sénégal a traversé une période de turbulences politiques sans précédent, marquée par des affrontements violents entre manifestants et forces de l’ordre. Ces violences ont été exacerbées par des tensions électorales opposant Ousmane Sonko, alors figure de l’opposition, et l’ex-président Macky Sall. La loi d’amnistie, adoptée pour apaiser ces tensions, avait suscité des critiques pour son caractère permissif et son silence sur les responsabilités des auteurs de ces actes.
L’abrogation de la loi d’amnistie ouvre la voie à des procès qui pourraient marquer un tournant historique dans la lutte contre l’impunité au Sénégal. Ces procès ne se limiteront pas aux donneurs d’ordres, mais viseront également à interroger une « culture de la violence policière » enracinée depuis l’époque coloniale. Ce processus judiciaire pourrait redéfinir le rôle des forces de l’ordre et restaurer la confiance de la population envers les institutions.
La société civile sénégalaise, à travers des organisations comme La Maison des Reporters et l’initiative Cartogra Free Sénégal, a joué un rôle central dans la documentation des violences. Ces efforts ont permis de dresser une cartographie détaillée des victimes, révélant des données alarmantes, telles que la prédominance des décès par balles. Ces actions visent non seulement à établir la vérité, mais aussi à conserver la mémoire collective de cette période.
Les témoignages recueillis illustrent l’ampleur de la tragédie. Des jeunes, parfois simples spectateurs, ont perdu la vie ou subi des mutilations lors des manifestations. Les séquelles physiques et psychologiques de ces événements continuent de hanter les victimes et leurs familles. Si les indemnisations financières sont un début, des mesures d’accompagnement psychologique et une reconnaissance institutionnelle s’avèrent indispensables pour une véritable réconciliation nationale.