Le gouvernement sud-soudanais a secrètement signé un contrat de 500 000 dollars avec la société de conseil américaine Scribe Strategies & Advisors pour tenter d’améliorer ses relations diplomatiques avec les États-Unis. L’accord, conclu en avril 2025 et récemment révélé via des documents officiels publiés sur le site du ministère américain de la Justice, intervient dans un contexte de tensions persistantes entre les deux pays. La société civile sud-soudanaise réclame désormais des explications, dénonçant une manœuvre opaque aux conséquences controversées.
Selon les documents consultés, une lettre signée par l’ambassadeur sud-soudanais à Washington, datée du 25 avril, sollicitait formellement l’aide de la firme. Moins de deux semaines plus tard, le 9 mai, l’entreprise notifie aux autorités américaines l’existence d’un accord officiel. Le mandat de Scribe Strategies & Advisors porte notamment sur la promotion d’opportunités commerciales, la réhabilitation de l’image du Soudan du Sud aux États-Unis, et la facilitation du rapatriement de ressortissants sud-soudanais depuis le territoire américain.
Depuis l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, les relations avec Washington ont connu une lente dégradation, aggravée par les violations des droits humains et la persistance des violences internes. Plusieurs figures du régime sud-soudanais sont sous le coup de sanctions imposées par le Trésor américain pour leur implication présumée dans des crimes de guerre et des actes de corruption. Washington a également réduit son aide humanitaire et multiplié les critiques à l’encontre de la gouvernance à Juba.
L’accord de lobbying intervient dans un climat de méfiance. L’organisation CEPO, par la voix d’Edmund Yakani, dénonce l’opacité de la démarche gouvernementale. L’activiste s’inquiète particulièrement des conséquences concrètes de cet accord, notamment après l’expulsion récente de huit hommes des États-Unis vers le Soudan du Sud. Selon Yakani, au moins sept d’entre eux ne sont pas originaires du pays, ce qui soulève de graves questions juridiques et éthiques.
Derrière la volonté affichée de renforcer les liens diplomatiques se cachent des zones d’ombre. Le flou autour de l’identité des hommes expulsés et l’absence de communication officielle sur l’accord signent une fois de plus le déficit de transparence de l’exécutif sud-soudanais. Ce recours au lobbying pourrait certes ouvrir des canaux diplomatiques, mais il soulève aussi la crainte d’un retour à des pratiques de communication politique déconnectées des réalités internes du pays.
À l’heure où le Soudan du Sud tente de se reconstruire après des années de conflit, le choix d’un lobbying à coût élevé pourrait se heurter à une opinion publique exaspérée par la corruption et les priorités mal définies. En misant sur la façade plutôt que sur des réformes internes structurelles, Juba prend le risque de s’aliéner davantage la population, tout en exposant ses relations extérieures à de nouvelles critiques. Si le gouvernement espère réintégrer la scène internationale, il lui faudra plus qu’une campagne d’image : de la crédibilité, et des actes concrets.