Le tribunal spécial de lutte contre le terrorisme au Soudan a inculpé par contumace Mohamed Hamdane Dagalo, dit Hemedti, chef des Forces de soutien rapide (FSR), ainsi que deux de ses frères et treize autres individus. Ils sont poursuivis pour génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et le meurtre de l’ancien gouverneur du Darfour-Ouest, Khamis Abdullah Abkar.
Selon l’acte d’accusation publié le 4 août par le procureur général, les faits reprochés incluent l’organisation de l’attaque contre El-Geneina, capitale du Darfour-Ouest, ainsi que des atrocités ciblées contre la population masalit. Le commandant du secteur, Abd al-Rahman Jumaa, est accusé d’avoir personnellement dirigé les opérations, supervisé l’assassinat du gouverneur et participé à des exécutions sommaires, certains corps ayant été enterrés vivants.
Le 15 avril 2023, El-Geneina a été le théâtre d’une offensive sanglante menée par les FSR, causant la mort de centaines de civils masalits et forçant des dizaines de milliers de survivants à fuir vers le Tchad. Deux mois plus tard, le 14 juin, l’ancien gouverneur du Darfour-Ouest, arrêté par les FSR, a été retrouvé mort. Son corps portait des traces de torture, comme en témoignent les vidéos diffusées en ligne.
Cette inculpation s’inscrit dans un contexte de guerre civile brutale entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les FSR depuis avril 2023. Longtemps considéré comme un allié de circonstance du pouvoir central, Hemedti est désormais dans la ligne de mire d’une justice qui cherche à répondre aux exactions commises dans l’ouest du pays, en particulier contre les communautés non arabes du Darfour.
Le tribunal de Port-Soudan, qui instruit le dossier, affirme s’appuyer sur des preuves solides, dont les témoignages de douze personnes, parmi lesquelles figure le sultan des Masalits, Saad Bahr Eddin. L’absence des accusés n’a pas empêché la procédure, désormais close et en attente de délibération. Ce procès, bien qu’incomplet, représente un tournant symbolique dans la reconnaissance des crimes perpétrés contre les Masalits.
Ces poursuites pourraient marquer un précédent judiciaire important au Soudan, pays rongé par des décennies d’impunité dans les conflits armés. Elles soulèvent aussi une question cruciale : dans un État en guerre, où les autorités peinent à rétablir l’ordre, la justice peut-elle aller au bout de sa mission sans l’appui d’une réelle volonté politique ? La réponse à cette question déterminera la portée réelle de cette inculpation.