Le président de transition, Mahamat Idriss Déby, a récemment annoncé qu’il accordait son pardon à tous ceux qui ont été impliqués dans la répression sanglante du 20 octobre dernier, qu’ils aient été condamnés ou non, et les a appelés à rentrer d’exil. Cette annonce est principalement adressée aux leaders de l’opposition, Succès Masra et Max Loalngar, qui avaient été contraints à l’exil. Mais pourquoi le président de transition tend-il aujourd’hui la main aux opposants en exil ?
La première motivation de Mahamat Idriss Déby est de restaurer une image fortement ternie par la répression violente du 20 octobre, aussi bien au Tchad qu’à l’échelle internationale, selon plusieurs experts du pays. Par ailleurs, le président de transition a fait face à des pressions de la part des partenaires financiers du Tchad, qui lui demandent de sortir le pays de l’impasse politique dans laquelle il se trouve depuis cette date. “Lors de leur récente rencontre à Paris début juin, Emmanuel Macron a certainement exprimé des attentes similaires à Mahamat Idriss Déby”, souligne Roland Marchal, spécialiste de la région, ajoutant que “la campagne de Succès Masra en Allemagne, en France et aux États-Unis a porté ses fruits dans certains milieux politiques”.
Un autre signal a été envoyé par la tentative de création d’un groupe armé tchadien dans le nord de la Centrafrique. “Le président de transition a réalisé qu’il était préférable d’avoir ses opposants politiques à l’intérieur du pays plutôt qu’à l’extérieur”, affirme la même source.
Enfin, le départ en exil des principaux leaders de l’opposition au pouvoir de Mahamat Idriss Déby a permis au gouvernement de transition de mener à bien toutes les étapes conduisant à l’organisation d’un référendum constitutionnel basé sur un état unitaire décentralisé, qui suscitait de vives contestations. Ce processus s’est déroulé sans rencontrer de véritable résistance de la part des fédéralistes, devenus silencieux.
“La dynamique politique est déjà en marche, le président de transition a choisi le bon moment pour demander à ses plus farouches opposants de rentrer au pays”, analyse Roland Marchal, chercheur au CNRS.
Cependant, certains critiques affirment que cet appel n’est pas sérieux, reprochant au président de la transition d’agir comme Dieu le Père, qui aurait le pouvoir de pardonner tous les pécheurs. Ces critiques soulignent le fait qu’il ne reconnaît pas sa propre responsabilité en tant qu’acteur majeur de ces événements, en tant que chef de l’armée qui a tiré et tué froidement du 20 au 11 novembre 2022. Ils appellent à une véritable enquête indépendante sur les événements qui ont eu lieu lors de cette sombre journée d’octobre.