Pour la première fois depuis son arrestation le 17 mai, l’ancien Premier ministre tchadien et opposant Succès Masra a été auditionné au fond, ce 3 juin à Ndjamena. Une étape judiciaire majeure dans une affaire aux forts relents politiques, selon ses soutiens.
L’interrogatoire de Succès Masra s’est déroulé dans les locaux de la Coordination générale de la police judiciaire à Ndjamena, à partir de 10 heures TU. Le président du parti Les Transformateurs, en détention provisoire, est poursuivi pour « incitation à la haine et à la révolte » ainsi que pour « constitution et complicité de bande organisée ». La justice l’accuse d’avoir indirectement provoqué un massacre dans le Logone occidental, sa région d’origine, où 42 éleveurs ont été tués par des cultivateurs le 14 mai dernier.
La défense, tout comme son parti, rejette en bloc les charges, les qualifiant de manœuvre politique destinée à écarter un adversaire influent du pouvoir. L’un de ses avocats, Me Francis Kadjilembaye, s’est voulu rassurant après l’audition : « L’interrogatoire s’est déroulé sans encombre, notre client a pu s’exprimer librement », a-t-il déclaré, tout en se refusant à commenter davantage à ce stade de l’instruction.
Succès Masra avait brièvement occupé le poste de Premier ministre de transition, avant de quitter le gouvernement sur fond de tensions avec le régime du président Mahamat Idriss Déby Itno. Depuis, il a repris son rôle de leader de l’opposition, souvent critique vis-à-vis des autorités. Sa popularité, notamment chez les jeunes et dans le sud du pays, inquiète le pouvoir, qui multiplie depuis des mois les mesures judiciaires à son encontre.
Cette audition intervient dans un climat tendu, alors que les ONG locales dénoncent une instrumentalisation de la justice. Le camp de Masra redoute une instruction à charge, tandis que ses partisans exigent un procès équitable. Les prochaines étapes judiciaires seront scrutées de près, tant au Tchad qu’à l’international.
Malgré son incarcération, Masra conserve un soutien actif. « Il a le moral, il reste ferme », affirme Me Kadjilembaye. Son parti, Les Transformateurs, continue de dénoncer une « dérive autoritaire » du régime. Le silence des autorités sur les suites de l’enquête alimente la suspicion d’un dossier monté de toutes pièces, destiné à écarter définitivement une figure montante de la scène politique tchadienne.