Le Zimbabwe planifie le lancement en 2026 d’une centrale solaire flottante de 600 mégawatts (MW) sur le lac Kariba, plus grand réservoir artificiel du monde . Ce projet, dont le coût est estimé entre 550 et 650 millions de dollars américains, représente une réponse directe aux pénuries d’électricité chroniques qui paralysent régulièrement le pays . Il s’agit d’une initiative majeure visant à diversifier un mix énergétique aujourd’hui trop dépendant d’une hydroélectricité vulnérable aux aléas climatiques.
Le projet sera développé en plusieurs phases, la première consistant à installer environ 150 MW de panneaux sur des terrains adjacents au lac dès le second trimestre 2026 . Cette approche pragmatique précède l’installation future de panneaux directement sur l’eau. Cependant, une condition impérative pèse sur ce calendrier : l’obtention de l’accord de la Zambie, pays avec lequel le Zimbabwe partage la gestion du lac Kariba via l’Autorité du fleuve Zambèze (ZRA) . Cette nécessité explique d’ailleurs un délai par rapport à des annonces antérieures évoquant un démarrage plus précoce .
Cette initiative s’inscrit dans un contexte de grave crise énergétique. Le barrage de Kariba, qui fournit habituellement plus de la moitié de l’électricité du pays, a vu sa production chuter drastiquement ces dernières années à cause de sécheresses récurrentes, tombant à environ 550 MW contre une capacité installée de 1 050 MW . Parallèlement, la centrale thermique de Hwange, vieillissante et sujette à des pannes, peine à combler le déficit . Résultat, le Zimbabwe connaît des délestages prolongés, avec une demande nationale estimée à 5 000 MW face à une capacité installée totale d’environ 2 800 MW .
Les autorités tablent sur une finalisation du projet d’ici 2031 . Au-delà de la production d’électricité, le ministre de l’Agriculture Anxious Masuka estime que l’infrastructure pourrait générer jusqu’à 4,7 milliards de dollars pour l’économie nationale, une somme représentant près de 10 % du PIB du pays . En cas de succès, cette technologie pourrait être répliquée sur d’autres retenues d’eau du Zimbabwe . Cette vision s’appuie sur une stratégie nationale visant à porter la capacité en énergies renouvelables à 2 100 MW d’ici 2030, un objectif qui passe par une libéralisation accrue du marché pour attirer les producteurs d’électricité indépendants .
Le financement de ce méga-projet repose principalement sur le secteur privé. Un consortium de grands consommateurs industriels, le Intensive Energy User Group, pilote le développement et a déjà obtenu 4,4 millions de dollars de la Banque Africaine d’Import-Export (Afreximbank) pour une étude de faisabilité complète . Il recherche jusqu’à 350 millions de dollars pour la première phase . D’un point de vue technique, le solaire flottant présente des atouts spécifiques : les panneaux, refroidis par l’eau, peuvent être jusqu’à 4,4 % plus efficaces que leurs homologues terrestres . De plus, ils réduisent l’évaporation de l’eau du réservoir, un bénéfice crucial en période de sécheresse, et évitent la concurrence pour l’usage des terres .
Le projet de Kariba n’est pas un effort isolé. Il s’inscrit dans une transformation plus profonde du paysage énergétique zimbabwéen, matérialisée par la création en 2024 du Fonds pour les Énergies Renouvelables du Zimbabwe (REF Zimbabwe) . Ce fonds, doté initialement de capitaux publics et privés, vise spécifiquement à dé-risquer et financer des projets d’énergie décentralisée de plus petite taille, souvent portés par des entreprises locales, des jeunes et des femmes, dans les zones rurales où le taux d’électification n’est que de 16% . Ces initiatives parallèles, combinées aux grands projets infrastructurels, esquissent une stratégie à deux vitesses pour sécuriser l’accès à l’électricité à la fois pour l’industrie et pour les populations les plus isolées .



