En Tunisie, les arrestations continuent. Après d’anciens magistrats, des cadres de partis politiques ce week-end ou encore le directeur général de la radio la plus écoutée du pays lundi soir, c’est un ancien député qui a été arrêté mardi dans la soirée. En déplacement sur le terrain, le président Kaïs Saïed a pris la parole longuement sur cette vague d’arrestations. Elles étaient nécessaires et urgentes selon lui.
En pleine vague d’arrestations, Kaïs Saïed s’offre un bain de foule sur un marché populaire de Tunis. Il a tenu à montrer qu’il restait maître à bord : « Ceux qui manipulent les prix vont devoir assumer leurs responsabilités. On ne laissera pas les voleurs en paix. Ceux qui font cela aux citoyens vont payer le prix cher. »
Complot
Alors que la contestation sociale s’intensifie en même temps que l’inflation en Tunisie, le chef de l’État a tenu à montrer qu’il se tenait aux côtés des plus fragiles. Selon ses dires, la situation délicate que traverse l’économie tunisienne serait due à un complot ourdi par des personnalités qui visent à semer la discorde dans le pays. C’est depuis le ministère de l’Intérieur où il s’est rendu dans la foulée qu’il a précisé sa pensée : « Nous ne laisserons pas ces personnes faire ce qu’ils veulent en Tunisie. Nous vivons une période sensible et dangereuse. Il y a atteinte à la sûreté nationale intérieure et extérieure. »
Le président tunisien est allé jusqu’à soutenir qu’une tentative d’assassinat le visant était en préparation. Depuis plusieurs jours, les avocats des personnes arrêtées n’ont eu de cesse de dénoncer l’absence de preuves matérielles à ces accusations. Des arrestations qui ont valu à la Tunisie des condamnations de la part de l’ONU, qui évoque une vague de répression contre des opposants.
L’opposition a quant à elle déploré mercredi le « pourrissement » de la situation politique dans le pays après cette série d’arrestations qu’elle a qualifiées de « répressives ».
« Le secteur médiatique traverse une crise profonde »
Ces arrestations ont touché des hommes d’affaires, des responsables politiques, des magistrats et un journaliste directeur de la radio privée la plus écoutée dans le pays, Mosaïque FM. L’arrestation de Noureddine Boutar, s’est faite selon son avocate sans mandat d’arrêt ni raison officielle. Son interrogatoire a porté sur ses choix éditoriaux. Des faits « révélateur de la répression qui s’abat sur la presse en Tunisie » selon Abderraouf Bali, membre du bureau exécutif du syndicat national des journalistes, chargé des affaires juridiques.
« Les menaces contre cette radio, venant surtout de la part du président, ont commencé il y a un bon moment et nous nous rappelons tous au moins de ses propos adressés au journaliste de Mosaïque FM lors du sommet de la francophonie, quand il l’a mis en garde contre les attaques menées par cette radio contre lui. Le président a essayé de diaboliser Mosaïque FM à l’époque. Il y a eu également eu les restrictions qui ont touché d’autres médias comme par exemple radio Shems FM et le quotidien Al Sabah ou la presse. Il y a eu la main mise du pouvoir sur la télévision nationale qui est en principe la plus grande institution médiatique en Tunisie, mais qui reçoit aujourd’hui des instructions directes du pouvoir. C’est également le cas à la radio nationale. Au final, c’est tout le secteur médiatique tunisien qui traverse une crise profonde, conséquence de la manière d’agir du pouvoir. »
Le syndicat national de la presse tunisienne a appelé à une manifestation ce jeudi matin devant le siège du gouvernement pour défendre la liberté de la presse et protester les atteintes à ce secteur.