Après six années d’absence, Joseph Kabila, ancien président de la République Démocratique du Congo (RDC), fait son grand retour sur la scène médiatique. Ce come-back s’est matérialisé à travers une tribune publiée dans le Sunday Times en Afrique du Sud, suivie d’une interview accordée à la presse namibienne. L’ancien chef d’État a notamment exprimé son désir de « servir le pays et le peuple congolais », tout en abordant la question de la guerre dans l’Est du pays. Kabila a plaidé pour le départ des armées étrangères présentes en RDC, estimant que cela constituerait un premier pas vers la résolution du conflit.
Derrière ce retour médiatique se cache une stratégie politique clairement définie. Joseph Kabila chercherait à reprendre pied dans le paysage politique congolais en relançant son parti, le PPRD (Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie). En effet, depuis sa sortie du pouvoir, l’ex-président a observé une intensification des tensions avec Félix Tshisekedi, dont la coalition FCC-CACH a volé en éclats. L’an passé, Kabila a interdit à ses partisans de se présenter sous l’administration Tshisekedi, marquant ainsi un divorce politique de plus en plus net. À travers sa tribune, Kabila se positionne comme un observateur critique du régime actuel, affirmant que la crise congolaises ne sera pas résolue tant que ses causes profondes, notamment l’intégrité territoriale et la gestion de la sécurité, ne seront pas abordées de manière sérieuse.
Le retour de Kabila s’inscrit dans un contexte politique et sécuritaire tendu en RDC. Le pays fait face à des défis majeurs, notamment la guerre dans l’Est, où le M23, un groupe rebelle soutenu par le Rwanda, exacerbe une situation déjà fragile. Le gouvernement de Félix Tshisekedi semble de plus en plus pris dans des tensions internes, loin de se concentrer uniquement sur cette menace extérieure. Ces dernières semaines, des purges internes ont frappé l’armée congolaise, culminant avec la condamnation de soldats accusés de lâcheté. Dans le même temps, le gouvernement congolais est confronté à une pression croissante de l’Église catholique et des acteurs politiques appelant à un dialogue pour résoudre le conflit, notamment entre le pouvoir et le M23.
Dans ses interventions publiques, Kabila semble vouloir alerter sur l’échec du pouvoir actuel à résoudre les crises multiples qui secouent la RDC. Sa déclaration selon laquelle « l’implosion est imminente » de la RDC si la situation n’est pas prise en main d’une manière plus rigoureuse apparaît comme un message fort, voire un avertissement adressé à la communauté internationale. Selon Ferdinand Kambere, secrétaire permanent du PPRD, l’objectif de Kabila est de rappeler que les dysfonctionnements actuels sont le résultat de l’incapacité du pouvoir en place à traiter efficacement les problèmes du pays, notamment la question de la sécurité.
La situation à l’Est de la RDC continue d’être une épine dans le pied de Félix Tshisekedi. Si le gouvernement continue de faire face à l’offensive du M23, il semble également préoccupé par les tensions internes, notamment au sein de l’armée et de la société civile. Le site Afrik.com souligne que, tandis que la situation militaire se dégrade, le gouvernement congolais semble se concentrer sur des problèmes internes. La condamnation des soldats de l’armée, accusés de fuite devant l’ennemi, ainsi que la répression des tentatives de dialogue proposées par des acteurs extérieurs comme l’Église catholique, soulignent une gestion de crise jugée inappropriée par certains observateurs.
Le rôle de l’Église catholique et des autres acteurs politiques dans cette crise ne peut être ignoré. L’Église, notamment à travers la CENCO (Conférence Episcopale Nationale du Congo), joue un rôle de médiateur et de pression sur les autorités congolaises. Son implication dans les négociations pour la paix et le dialogue entre le pouvoir et les rebelles du M23 a été mal perçue par les autorités de Kinshasa, qui ont désavoué toute tentative de médiation. La situation de l’Église et son impact sur la politique intérieure sont des éléments à surveiller de près, car elle reste un acteur influent dans le pays, comme elle l’a toujours été, y compris sous les régimes précédents.
Les perspectives pour la RDC demeurent incertaines. Si Kabila semble vouloir reprendre la main sur la scène politique, il est confronté à un environnement où la concurrence pour le pouvoir est de plus en plus féroce, notamment avec la montée en puissance de Félix Tshisekedi. La situation sécuritaire à l’Est et les tensions internes au pays laissent présager que l’avenir politique de la RDC dépendra largement de la capacité de ses dirigeants à résoudre la crise de manière inclusive, tout en évitant l’escalade des tensions internes et externes. L’issue de cette bataille politique, qui semble se dessiner entre Kabila et Tshisekedi, pourrait bien marquer l’avenir du pays pour les années à venir.